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Le comte de Gobineau nourrit à l’égard des moralistes des dédains qui rappellent ceux de Fourier. On lit dans l’introduction des Nouvelles Asiatiques : « Parmi les hommes voués à l’examen de la nature humaine, les moralistes surtout se sont pressés de tirer des conclusions de belle apparence ; ils s’en sont tenus là, et, par conséquent, ils se perdent dans les phrases. On ne se rend pas très bien compte de ce que vaut un moraliste, à quoi il sert depuis le temps que cette secte parasite s’est présentée dans le monde ; et les innombrables censures qu’elle mérite par l’inconsistance de son point de départ, l’incohérence de ses remarques, la légèreté de ses déductions, auraient bien dû faire classer depuis des siècles ses adeptes au nombre des bavards prétentieux qui parlent pour parler et alignent des mots pour se les entendre dire. Au nombre des non-valeurs que l’on doit aux moralistes, il n’en est pas de plus complète que cet axiome : « L’homme est partout le même. » Cet axiome va de pair avec la prétention de ces soi-disant penseurs de réformer les torts de l’humanité, en faisant admettre à celle-ci leurs sages conseils. Ils ne se sont jamais demandé comment ils pourraient réussir à changer ce mécanisme humain qui crée, pousse, dirige, exalte les passions et détermine les torts et les vices, cause unique en définitive de ce qui se produit dans l’âme et dans le corps. »

M. R. de Gourmont fait, lui aussi, le procès de la morale. « Quelle influence peut donc avoir sur le tempérament d’une femme, sur sa nature, sur son caractère inné, un enseignement philosophique ? En quoi des phrases peuvent-elles modifier un organisme ? Les religions les plus positives, les plus catégoriques, les plus fortes n’ont jamais eu en aucun temps ni en aucun lieu une influence