Révolte si admirablement symbolisé par Leconte de Lisle, dans son Caïn et dans son Satan.
D’abord, Caïn jette à la face de Dieu son cri de révolte.
Haletant comme un loup des bois jusqu’au matin ?
Vers la limpidité du Paradis lointain
Pourquoi tendre toujours tes lèvres altérées ?
Courbe la face, esclave, et subis ton destin.
Rentre dans le néant, ver de terre ! qu’importe
Ta révolte inutile à Celui qui peut tout ?
Le feu se rit de l’eau qui murmure et qui bout ;
Le vent n’écoute pas gémir la feuille morte.
Prie et prosterne-toi. — Je resterai debout !
Le lâche peut ramper sous le pied qui le dompte,
Glorifier l’opprobre, adorer le tourment,
Et payer le repos par l’avilissement ;
Jahveh peut bénir dans leur fange et leur honte
L’épouvante qui flatte et la haine qui ment.
Je resterai debout ! Et du soir à l’aurore,
Et de l’aube à la nuit, jamais je ne tairai
L’infatigable cri d’un cœur désespéré !
La soif de la justice, ô Khéroub, me dévore.
Dans la Tristesse du Diable le poète exprime le découragement du lutteur :
S’amassent, sans l’emplir, dans mon éternité ;
Force, orgueil, désespoir, tout n’est que vanité ;
Et la fureur me pèse et le combat m’ennuie.
Presque autant que l’amour la haine m’a menti !
J’ai bu toute la mer des larmes infécondes.
Tombez, écrasez-moi, foudres, monceaux des mondes,
Dans le sommeil sacré que je sois englouti !
Et les lâches heureux, et les races damnées,
Par l’espace éclatant qui n’a ni fond ni bord,
Entendront une voix disant : Satan est mort !
Descendons des hauteurs de ce symbolisme. Ramené à des termes terrestres, l’Individualisme est le sentiment d’une antinomie profonde, irréductible, entre l’individu et la société. L’Individua-