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adhérait ou non aux dogmes religieux ; en dernière analyse l’origine des espèces animales dépendait de l’authenticité du quatrième Evangile. Presque tout le monde aujourd’hui, sauf quelques libres penseurs et catholiques également rétrogrades, renonce à cette manière de voir. Un jour aussi, espérons-le, les théories économiques n’exprimeront pas seulement les passions ou les intérêts de ceux qui les professent.

Nous sommes ainsi bien fondés à dire que l’idée positiviste de science, complétée par. la commodité, réunit en un groupe homogène toutes les sciences excepté les mathématiques. III

Ce qui empêche donc l’idée de science considérée d’être tout à fait générale, c’est qu’elle ne s’applique pas aux mathématiques. Mais l’obstacle disparaît facilement si l’on observe que les mathématiques ne sont pas des sciences. En effet elles ne nous apprennent rien par elles-mêmes l’objet mathématique n’existe nulle part dans le monde, les faits mathématiques sont purement intérieurs. On objectera que ces faits se répètent, qu’ils apparaissent comme éminemment susceptibles de s’enchaîner en rapports généraux et constants, et par conséquent appartiennent à une science. Rien de plus juste. Mais quels sont ces faits intérieurs ? des abstractions, des intuitions, des déductions, des inductions. Leur caractère psychologique, à l’exclusion de tout autre, leur confère la réalité. A quel domaine donc les attribuer sinon à celui de la psychologie ?

Ce qu’il y a de science dans les mathématiques échappe aux mathématiques elles-mêmes, conclusion qui oblige, semble-t-il, à supprimer l’autonomie de ces dernières ou à dissoudre leur magnifique assemblage. Rien ne serait plus fâcheux que d’en venir à une pareille extrémité. Mais on l’évitera par un moyen très simple. Il suffira de ranger les mathématiques parmi les arts. La psychologie a beau s’annexer les faits mentaux qui sont à la base de tous les arts, les arts n’en restent pas moins indépendants et assurés contre le démembrement. Les arts peuvent être répartis en moyens d’expression, moyens d’action, moyens d’expression et d’action, division dépourvue de rigueur parce que l’expression est elle-même une action et parce que, l’expression et l’action fussent-elles rigoureusement distinctes, aucun art n’est tout à fait exclusif de l’une ou de l’autre. Mais on se fera comprendre suffisamment si l’on énumère parmi les arts moyens d’expression la peinture, la sculp-