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SAGERET. LA COMMODITÉ SCIENTIFIQUE 47

la planète en sortissent. Si Y. avait exposé ainsi l’évolution de son œuvre astronomique, quels reproches lui faire ? Il a découvert une gangue qui renferme la vérité, une bande de tissu commun à laquelle s’entrelace un fil de soie unique et invisible, mais il ne peut pas détacher entièrement la gangue, isoler le fil, séparer le contenu du contenant ; en revanche il sait réduire peu à peu le contenant sans rien perdre du contenu. On comprendra fort bien que le contenant ait pu ainsi changer de forme, et de circulaire, par exemple, devenir elliptique. On aurait donc félicité Y. la vérité se serait toujours trouvée incluse dans ses affirmations, il l’aurait serrée de plus en plus près ; progrès de la science ! Mais Y. remplaçait une bande par une lanière infiniment mince qu’il y avait découpée au jugé. Il a présenté successivement une lanière circulaire, une tanière elliptique régulière, une lanière en forme d’ellipse bossuée. Chacune d’elles a été en son temps la vérité scientifique. Le public était juste en disant « la science ne nous montre pas la vérité puisqu’elle nous montre à chaque instant des vérités différentes. II n’y aucun fonds à faire sur la science. »

D’autre part, ayant remplacé une bande par une lanière infiniment mince, vous ne verrez jamais rien sur la bande si vous ne regardez plus que la lanière. Il arrive ainsi que des découvertes importantes puissent être longtemps retardées ; tel est le cas, par exemple, où, suivant l’éventualité que nous avons envisagée plus haut, on se serait engoué pour la lanière circulaire considérée comme représentation définitive du chemin des planètes. L’abbé Mariotte, lui aussi, avait formulé une loi en lanière Mi/~ ?tment

?M :Mce. Cette loi nous apprend que, pour une température 

constante éloignée de la température de liquéfaction, le volume d’un gaz est inversement proportionnel à sa pression, autrement dit que la relation entre le volume et la pression d’un gaz se traduit mathématiquement par une hyperbole. En réalité la courbe représentant cette relation était comprise entre deux hyperboles, elle pouvait être hyperbole, elle pouvait être autre chose. Elle est autre chose, comme l’a montré Regnault, ou plutôt elle se trouve serrée plus étroitement que jadis entre deux courbes différentes de l’hyperbole et qu’on ne réussit même pas à décrire en langage mathématique. Au temps de l’abbé Mariotte on admettait que si une courbe mathématique passait à une distance t’aMOHMa&~e des points repérés conformément à l’expérience, c’était la courbe, non l’ensemble des points, qui représentait la vérité. On croyait en effet à la simplicité des lois de la nature. Cette foi n’existe plus, ou existe moins aujourd’hui. On remplace la croyance par une méthode, la simpli-