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SAGERET. LA COMMODHË SCIEKTIFiQUE 3S

Toutefois, sans commettre une pareille absurdité, nous pourrons chercher à comprendre la véritable signification du mot commode quand il contribue à exprimer une idée de Science. Commode ne doit pas être pris dans le sens vulgaire le plus étendu. M. Poincaré trouve le scepticisme commode, mais trop commode, et il pense de même à l’égard de l’éther. C’est que le scepticisme revient à une abstention. Il peut être commode de s’abstenir de l’équitation, mais cette commodité n’a aucun rapport avec la commodité d’une selle. En matière de science, il ne peut s’agir de commodités que pour l’esprit qui travaille et par conséquent a d’abord accepté le travail. Voilà qui explique en outre comment l’éther excite les méfiances de M. Poincaré. Aboutir par certaines voies à l’éther, c’est mettre une barrière au bout de ces voies, s’interdire d’aller plus loin, d’élaborer davantage les données d’un phénomène, c’est consentir à une commodité de paresse, rejeter la commodité de travail qui seule a une signification pour la science.

On arrive ainsi à délimiter la notion de commodité qui nous intéresse. Et maintenant que sera-t-elle à l’intérieur de ces frontières

? Pour répondre à cette question, considérons la géométrie 

d’Euclide comparée avec celle de Lobachewsky et celle dite de Riemann.

D’après Riemann par un point on ne peut mener aMCM~e paral/~e à une droite. Il en résulte que la somme des trois angles d’un triangle est toujours supérieure à deux droits. D’après Euclide par un point on peut mener une parallèle à une droite et une ~eM/e parallèle. Il en résulte que la somme des angles d’un triangle est toujours égale à deux droits. D’après Lobachewsky par un point on peut mener plusieurs pa<’n//é~à à une droite. Il en résulte que la somme des angles d’un triangle est toujours !H/<eMre à deux droits. Aussitôt qu’on a entendu ces énoncés, une idée bien simple se présente à l’esprit. Mesurons les angles d’un grand nombre de triangles, et suivant que la somme de ces angles sera supérieure, égale ou inférieure à deux droits, nous verrons, par une vérification expérimentale, laquelle de ces trois géométries est la vraie. Or cette mesure a été faite des millions de fois et on a toujours trouvé une somme de deux droits. Par conséquent, la géométrie euclidienne est la seule vraie.

Il y a malheureusement une affirmation très fausse dans ce qui précède. On n’a, au contraire, jamais vérifié que les trois angles d’un triangle fussent égaux à deux droits, pour la bonne raison