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il de la valeur esthétique ; elle n’est qu’une résultante où la somme des plaisirs l’emporte sur la somme des désagréments « le beau est ce qui plaît à l’âme, c’est une valeur objectivée ». La thèse n’est pas nouvelle, surtout peut-être en Italie, où le sensualisme esthétique paraît tenir depuis longtemps une large place. C’est par le détail de l’analyse que l’auteur lui a rendu quelque intérêt.

En effet, M. P. insiste sur la complexité extrême de cette résultante qu’est un objet esthétique le fondement de tous les éléments du beau c’est toujours le plaisir ; mais ce plaisir est ou bien immédiat, par une sorte de consonance préétablie entre l’objet et notre âme, comme celui des sons, des couleurs, des formes symétriques ou rythmiques ; ou bien il est médiat, c’est-à-dire né des rapports multiples inhérents à l’objet lui-même. Les principaux de ces rapports sont la finalité plus ou moins utilitaire, et la conformité à un type auquel nous nous sommes habitués genre dont l’idée de « caractère serait une espèce. C’est à peu près la distinction kantienne de la pulchritudo vaga et adhaerens. Il y a aussi une « beauté d’exécution », et une beauté spéciale à l’unité des ensembles.

L’objet esthétique a une forme, et il peut exprimer un contenu plus exactement nous nous en représentons un, réel ou non ; l’essentiel est qu’il soit cause d’un plaisir médiat ou immédiat. Cette forme est sensible ; ce contenu est « vital ». C’est la vie qu’exprime ou suggère cette forme esthétique dans l’homme, l’animal ou le végétal et même le Monde inorganique ; il y a des faits, des actions et des situations expressives ; c’est toujours une vitalité physique ou psychologique qui est à la base. La beauté interne, qui peut en elle-même être indépendante de toute forme sensible, a une double valeur elle est ou « dynamique ou « sympathique ».

La laideur naît de l’absence de ces conditions diverses. Ainsi le plaisir esthétique résulte d’éléments essentiellement complexes. C’est cette complexité qui aide l’auteur à résoudre ingénieusement diverses questions de détail ; l’un des éléments, en effet, peut toujours faire équilibre aux autres ; la valeur esthétique de la résultante dépend uniquement du surplus du plaisir qui y reste ; par exemple la nouveauté peut nous faire juger un objet ou plus beau ou plus laid qu’il ne nous apparaîtra plus tard ; et de même l’habitude c’est que l’accoutumance d’un type est un des éléments de la beauté, qui fait concurrence aux autres, et doit tantôt l’emporter, tantôt non, suivant une marche facile à suivre psychologiquement.

De même s’expliquerait la différence entre le jugement critique de l’esthéticien professionnel ou de l’amateur érudit, et l’ingénuité du goût des profanes le premier juge sévèrement Canova quand il copie de trop près l’antiquité, tandis que le second, plus naïf, l’admire sans restriction ils n’appliquent pas les mêmes critères. Seulement le critique est inconséquent il devrait blâmer les Grecs, dont les architectes se sont évidemment copiés entre eux. Solution ingé-