Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 61.djvu/7

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans leur définition le mot intense et qu’on pourrait leur demander à eux-mêmes s’ils feront commencer l’effort avec la contraction la plus faible qui puisse se produire des muscles expirateurs, la glotte étant fermée. Dans la parole faiblement chuchotée, il y a, à certains moments, occlusion de la glotte et tendance à l’expiration ; admettront-ils pourtant que cette parole implique une série d’efforts ? La même difficulté existe donc pour eux, sous le rapport du degré d’intensité à considérer, que pour le vulgaire et les psychologues.

Il me semble que le moyen le plus simple d’éviter toute difficulté logique est d’élargir un peu la conception vulgaire et de rattacher à l’effort même les cas de contraction faible ; le vulgaire parlera lui-même à l’occasion d’effort léger, ce qui prouve que la notion d’effort n’implique pas pour lui nécessairement celle de contraction très intense. Il sera facile ensuite de faire rentrer dans cette conception celle des physiologistes en ajoutant au mot effort, comme ils le font d’ailleurs souvent eux-mêmes, un qualificatif qui précisera de quel effort particulier il s’agit. Nous aurons ainsi l’effort en général, qui n’est pas autre chose que l’intensité de la contraction musculaire, et, au nombre des cas particuliers de l’effort, l’effort thoracique, l’effort abdominal, et toute autre espèce d’effort que l’on pourra être amené à distinguer.

Nous avons rattaché dans ce qui précède, comme on le fait d’ordinaire, l’effort à la contraction musculaire. Remarquons maintenant que l’effort ne suppose pas nécessairement la contraction proprement dite, c’est-à-dire le raccourcissement des muscles ; nous pouvons, par exemple, maintenir la main à demi ouverte en faisant pour cela un effort considérable et sans que nos doigts exécutent aucun mouvement. On pourrait appeler effort statique l’effort qui se produit ainsi tandis que nos muscles restent immobiles.


perception de l’effort.

W. James, dans son étude bien connue sur le sentiment de l’effort[1], a débarrassé la psychologie de l’hypothèse des sensations centrales d’innervation qui nous feraient connaître le degré d’effort déployé dans la contraction musculaire. Remarquons d’ailleurs que l’hypothèse ne pouvait s’appliquer qu’à l’effort volontaire : pour l’effort à demi réflexe que produisent certaines émotions, et surtout pour l’effort qu’on peut obtenir en excitant mécaniquement ou électriquement les muscles, il ne peut être question de sensations

  1. W. James, Le sentiment de l’effort, La critique philosophique, 9e  année, II, 1881.