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l’a toujours fait vers les études spéculatives ; et les incursions de l’analyse psychologique dans le domaine autrefois réservé à la spéculation pure ont rendu cette relation plus intime que jamais. D’autre part, la biologie, la sociologie, l’anthropologie, l’éthique, l’économique, le droit, la physique même réclament instamment une bonne psychologie la critique qui s’y développe est une critique psychologique. Et comment en serait-il autrement une fois qu’on a reconnu que la science est l’œuvre de l’esprit et que les principes explicatifs, par qui seuls la science cesse d’être un pur catalogue de faits, sont des conceptions abstraites fondées sur les lois de la pensée ? ».

La psychologie qui se fait ne sera donc pas métaphysique, au sens mauvais du mot ; mais elle restera philosophique, c’est à-dire plus fortement associée aux sciences normatives qu’aux sciences de laboratoire, plus logique et morale que physiologique. Et il ne faut pas oublier ce caractère d’un ouvrage qui justifie, plus peut-être dans sa forme que dans son fond, l’appréciation humoristique d’un philosophe américain « Quand M. Baldwin a fait sortir du néant son cosmos philosophique, c’était le souffle de Darwin qui planait sur l’abîme, non celui de Descartes, de Leibniz et de Kant. » Le souffle de Kant, assurément non, et l’on en aura peu de regret ; mais peut-être l’esprit systématique de Descartes et l’esprit universaliste de Leibniz n’étaient-ils pas si complètement étrangers à cette encyclopédique création.

J’en arrive au Vocabulaire le plus récent, celui de la Société de philosophie. Quatre fascicules en ont déjà paru, deux en 1902, deux en 1903. L’étendue totale de l’ouvrage en comportera de douze à quinze. Mais ici, je dois d’abord m’excuser ; car je me trouve un peu, pseudonyme à part, dans la situation de Kropotkine lorsqu’il faisait à Londres les comptes rendus bibliographiques de la Nature. Le directeur ne le connaissait que sous un nom d’emprunt, et lui donna un jour à analyser ses propres ouvrages sur la géographie asiatique. Il eut de grands scrupules ; si bien que, réflexion faite, il crut devoir faire connaître son identité, et proposa de remettre l’article à un collègue. Son directeur ne le voulut pas. « Vous n’avez besoin, lui dit-il, ni de blâmer ni de louer l’auteur Vous direz simplement ce que contient son livre. » Je demande la permission de faire de même, et je le ferai d’autant plus librement qu’il s’agit ici d’un ouvrage dont la meilleure part est certainement formée par les observations des philosophes que j’y ai recueillies et coordonnées.

Voici quelle est, en effet, la méthode adoptée dans ce travail. Une première rédaction des articles en est d’abord faite, qui doit servir de base à la discussion. Elle est relue, en petit comité, par deux ou trois collaborateurs du premier degré. Une fois que le texte en est ainsi bien établi, il est imprimé sur une seule colonne et envoyé à tous les membres de la Société de philosophie, en même temps qu’à ceux des correspondants étrangers qui ont eu l’obligeance d’accepter cette