Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 56.djvu/637

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pouvait guère dépasser le cercle de son école. — Depuis quelques années, au contraire, les ouvrages de ce genre se sont subitement multipliés, en France et à l’étranger. Ils changeaient en même temps de caractère, peut-être avec la philosophie elle-même. De littéraires, ils devenaient scientifiques ; de particuliers à une école, objectifs et impersonnels ; et cette recherche même de l’objectivité les orientait dans des directions nouvelles : les uns vers le passé, par l’étude sémantique de l’histoire des mots ; les autres vers l’avenir, par leur portée pédagogique ou leur effort vers la fixation uniforme du langage philosophique.

De ces œuvres contemporaines, celle qui est restée la plus voisine de l’ancienne forme est le Dictionnaire des concepts philosophiques fondamentaux du professeur Kirchner, dont le Dr Carl Michaëlis vient de publier cette année même une quatrième édition notablement remaniée. « Tout en se tenant avec fermeté au but que s’était proposé le premier auteur, dit l’Avertissement, on a augmenté les indications historiques, amélioré en de très nombreux passages ce qui était défectueux, effacé souvent de l’inutile, ajouté des compléments en grand nombre ; enfin, toutes les fois qu’il a paru nécessaire, on a changé l’exposition pour lui donner plus de force et de clarté. » L’ouvrage est en effet très nettement dogmatique. Il avait paru, sous sa première forme, en 1886, Frédéric Kirchner, mort subitement il y a trois ans, était un licencié de théologie qui avait renoncé à l’état ecclésiastique par vocation pour les sciences naturelles et la philosophie. Il fit toute sa carrière dans la même chaire d’enseignement secondaire, à la Realschule de Berlin. Lehrer en 1875, Oberlerher quelques années plus tard, il y reçut en 1893 le titre de Professor et y enseignait encore quand il fut enlevé a l’affection de ses élèves, ayant à peine cinquante-deux ans. Il était avant tout un professeur, et cette qualité, jointe à l’influence de ses premières études, explique assez bien le ton de son ouvrage. Il a écrit sur la morale, et surtout sur la morale pratique : l’hygiène de l’âme, le bonheur, l’amitié, le suicide. Il a donné également quelques traités de psychologie et de littérature ; des manuels estimés de Logique, d’Éthique, de Psychologie, d’Histoire de ta philosophie. Son dictionnaire procède du même esprit : il est dédié Aux étudiants allemands. C’est un ouvrage d’enseignement et de vulgarisation. Le sens des mots y est expliqué très sommairement, et sans recherche des nuances. La préoccupation sémantique y est nulle. En revanche, les problèmes que soulève un titre d’article y sont souvent discutés par l’auteur comme il le ferait dans un cours, ou du moins dans un résumé de cours.

L’article Moi comprend un exposé des altérations du moi. L’article Religion analyse les causes du sentiment religieux. Immortalité donne la liste des preuves de l’immortalité de l’âme. Sophisme contient une classification des raisonnements vicieux et des exemples si multiples, que l’auteur a tout l’air de s’y être amusé par son propre compte. Dans la plupart des cas, ces petites notions d’encyclopédie philosophique