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qu’il eût été préférable de réserver à l’expérience et à la raison. Cette étude contient pourtant quelques pages intéressantes, qui ne s’y trouvent que par accident. L’énoncé du sujet de concours acadédémique auquel prit part cet ouvrage, et où il obtint une récompense, semblait identifier l’indéterminisme avec la théorie kantienne du caractère intelligible. L’auteur montre fort bien, quoique par des arguments de valeur très inégale, que cette théorie est un déterminisme, et qu’elle donne lieu, au point de vue du kantisme lui-même, à de graves difficultés.

G. H. LUUQET.


II. — Théorie de la connaissance.

Jules de Gaultier. — Le bovarysme. 1 vol in-18, 316 p., Paris, Société du Mercure de France, 1902.

Le livre de M. J. de Gaultier se recommande par de très sérieux mérites, et aussi par des qualités plus aimables. Il est fortement pensé et clairement écrit, et l’autour y fait preuve d’un esprit philosophique et d’un esprit littéraire dont l’union n’est point si commune qu’il ne soit opportun de la signaler. Peut-être, au reste, cette union risquera-t-elle de lui nuire auprès de quelques philosophes et de quelques littérateurs, mais je crois qu’il convient bien plutôt de l’en féliciter à bien des égards.

Un avant-propos fixe, sur un certain point, le sens du livre. L’auteur y fait profession d’un fatalisme dont nous sommes un peu déshabitués, car on n’est pas assez porté à reconnaître que si le déterminisme n’est pas identique à tous égards au fatalisme, il se confond cependant avec lui sur bien des points. M. de Gaultier, lui, me paraît pécher plutôt en sens inverse. ff Voici un livre, dit-il, qui ne vise point à instituer une réforme. Il n’a pas pour objet de persuader que les choses s’amenderaient si l’on y apportait quelque changement proposé par l’auteur. Pourtant, on y traite de l’évolution dans l’humanité, c’est-à-dire des modes du changement dans cette partie du spectacle phénoménal où le fait de la conscience semble attribuer à l’être qui subit le changement, avec le pouvoir de le causer, le devoir de le diriger. Sous l’empire de cette illusion, la volonté humaine, prise dans le remous d’un tourbillon de causes et d’effet, croit qu’il est pourtant possible d’intervenir. II semble que si telle décision était prise, que si telle mesure était exécutée, que si l’on voulait telle et telle chose, toute la suite des événements serait modifiée, et on oublie que les choses sont telles précisément parce que telle résolution ne peut plus être adoptée, parce que telle volonté n’est plus possible. » Mais on peut dire aussi bien que si des réformes devaient suivre la publication d’un livre, ni ces réformes, ni cette publication n’en seraient moins nécessaires pour cela, ni les faits qui l’ont précédée. Et lorsque M. de Gaultier,