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surlendemain cinq, et, en ajoutant chaque jour de nouveaux progrès à ceux de la veille, il finit par obtenir instantanément le produit de douze dominos. « Ce résultat acquis, nous nous occupâmes d’un travail bien autrement difficile, auquel nous nous livrâmes pendant plus d’un mois. Nous passions, mon fils et moi, assez rapidement devant un magasin de jouets d’enfants, ou tout autre qui était garni de marchandises variées, et nous y jetions un regard attentif. A quelques pas de là, nous tirions de notre poche un crayon et du papier, et nous luttions séparément à qui décrirait un plus grand nombre d’objets que nous avions pu saisir au passage. Il arrivait souvent à mon fils d’inscrire une quarantaine d’objets. )) Le but de cette éducation toute spéciale était de mettre l’enfant à même de saisir d’un seul coup d’œil, dans une salle de spectacle, tous les objets portés sur eux par les divers assistants alors, les yeux bandés, il simulait la seconde-vue en décrivant, sur un signe conventionnel de son père, l’un quelconque de ces objets choisi au hasard par un des spectateurs. Cette mémoire visuelle s’était développée à tel point qu’après quelques instants passés devant une bibliothèque l’enfant retenait les titres d’un assez grand nombre de volumes, avec la place exacte de ces volumes les uns par rapport aux autres. Il arrivait à obtenir une espèce de photographie mentale du tout, qui permettait le rappel immédiat des parties, sans tâtonnement. Mais, dès la première leçon, et dans l’interdiction même d’additionner entre eux les points des dominos, nous apercevons le ressort principal de cette éducation de la mémoire. Tout calcul, toute M~erp ?’e(atM’H. de l’image visuelle était exclue de l’acte de vision l’intelligence était strictement maintenue sur le plan des images visuelles.

C’est sur le plan des images auditives ou des images d’articulation qu’il faut la maintenir pour donner une mémoire du même genre à l’oreille. Parmi les méthodes dont on a essayé pour l’enseignement des langues, il faut citer celle de Prendergast 1, dont le principe a ~souvent été utilisé par d’autres pédagogues. Cette méthode consiste à faire prononcer d’abord par l’élève des phrases dont on ne lui permet pas de chercher la signification. Jamais de mots isolés toujours des propositions complètes que l’élève .répétera d’une manière machinale. S’il cherche à deviner le sens, la méthode perd de son efficacité. S’il a un moment d’hésitation, tout est à recommencer. En variant la place des mots, en faisant des échanges de mots entre les phrases, on amène le sens.à se dégager de lui-même . Prendergast, Handbook of the Ma~ryserzM, London, 1868.