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a montré sur des exemples du plus haut intérêt comment l’invention littéraire et poétique va ainsi « de l’abstrait au concret )), c’est-à-dire, en somme, du tout aux parties et du schéma à l’image Il s’en faut d’ailleurs que le schéma reste immuable à travers tout le cours de l’opération. Souvent le schéma est modifié par les images mêmes dont il cherche à se remplir. Parfois il ne reste plus rien du schéma primitif dans l’image définitive. A mesure que l’inventeur réalise les détails de sa machine, il renonce à une partie de ce qu’il en voulait obtenir, ou il en obtient tout autre chose. Et, de même, les personnages créés par le romancier et le poète réagissent sur l’idée ou le sentiment qu’ils sont destinés à exprimer. Là est la part de l’accident, de l’imprévu, de l’involontaire enfin ; elle est, pourrait-on dire, dans le mouvement par lequel l’image se retourne vers le schéma pour le modifier ou le faire disparaître. Mais l’effort proprement dit est toujours sur le trajet du schéma, invariable ou changeant, aux images qui doivent le remplir. Il s’en faut aussi que le schéma précède toujours l’image explicitement. M. Ribot a montré qu’il fallait distinguer deux formes de l’imagination créatrice, l’une intuitive, l’autre réfléchie. « La première va de l’unité aux détails. la seconde marche des détails à l’unité vaguement entrevue. Elle débute par un fragment qui sert d’amorce et se complète peu à peu. Kepler a consacré une partie de sa vie à essayer des hypothèses bizarres jusqu’au jour ou, ayant découvert l’orbite elliptique de Mars, tout son travail antérieur prit corps et s’organisa en système )) En d’autres termes, au lieu d’un schéma unique, aux formes immobiles et raides, dont on se donne tout de suite la conception distincte, il peut y avoir un schéma élastique ou mouvant, dont l’esprit se refuse à arrêter les contours, parce qu’il attend sa décision des images mêmes que te schéma doit attirer pour se donner un corps. Mais c’est toujours au cours d’un travail effectué pour développer en images un schéma, fixe ou mobile, que surgit ici le sentiment d’effort intellectuel. En rapprochant ces conclusions de celles qui précèdent, on aboutirait à la formule suivante du travail intellectuel, c’est-à-dire de ce mouvement de l’esprit qui peut, dans certains cas, s’accompagner d’un sentiment d’effort ’H’en~cM~ef i/i<e~ec~te/<emeKt consiste à condM< ?’e une même représentation à travers des p~~s de conscience d !f !’en<s, dans une direction qui va de l’abstrait ait concret, dit schéma à FuMCfs’e. Reste à savoir dans quels cas spéciaux ce mouve- . Paulhan, Psychologie de /’Mi~pHi’i’oH, Paris, F. Alcan, 1901, ch. tv. 2.Hibot,op.ei<p.l33.