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exemple. Il y a quelque temps, jetant sur le papier le plan du présent article et arrêtant la liste des travaux à consulter dans les bibliothèques, je voulus inscrire sur ma liste le nom de Prendergast, l’auteur dont je citais tout à l’heure la méthode intuitive et dont j’avais lu autrefois les publications parmi beaucoup de livres sur la mémoire. Mais je ne pouvais ni retrouver ce nom, ni me rappeler l’ouvrage ou je l’avais d’abord vu cité. J’ai noté toutes les phases du travail par lequel j’essayai alors d’évoquer le nom récalcitrant. Je partis de l’impression générale qui m’en était restée. C’était une impression d’étrangeté, mais non pas d’étrangeté quelconque. Il y avait comme une note dominante de barbarie, de rapine, le sentiment qu’aurait pu me laisser un oiseau de proie fondant sur sa victime, la comprimant entre ses serres, l’emportant avec lui. Je me dis bien maintenant que le mot prendre, qui est à peu près ligure par les deux premières syllabes du nom cherché, a dû entrer pour une large part dans cette impression ; mais je ne sais si cette ressemblance aurait suffi à déterminer une nuance de sentiment aussi précise, et en voyant avec quelle obstination le nom d’ « Arbogaste )) se présente aujourd’hui a mon esprit quand je pense à « Prendergast )), je me demande si je n’avais pas fait fusionner ensemble l’idée générale de prendre et le nom d’Arbogaste ce dernier nom, qui m’était resté du temps où j’apprenais l’histoire romaine, évoquait dans ma mémoire de vagues souvenirs de barbarie. Pourtant je n’en suis pas sur, et tout ce que je puis affirmer est que l’impression que le nom cherché m’avait laissée dans l’esprit était absolument sn< generis, et qu’elle tendait, à travers mille difficuHés, à ressusciter le nom lui-même. C’étaient surtout les lettres d et )’ qui étaient ramenées à ma mémoire par cette impression. Mais elles n’étaient pas ramenées comme des images visuelles ou auditives, ou même comme des images motrices toutes faites. Elles étaient moins données en elles-mêmes qu’elles n’indiquaient une certaine do’ectton d’e/o~ à suivre pour articuler le nom cherché. Il me semblait, à tort d’ailleurs, que ces lettres devaient être les lettres initiales du nom, justement parce qu’elles étaient les premières à revenir et qu’elles avaient l’air de me montrer un chemin. Je me disais qu’en essayant, avec elles, des diverses voyelles tour à tour, j’arriverais à prononcer la première syllabe et à prendre ainsi un élan qui me transporterait tout d’un coup jusqu’au bout du nom luimême. Ce travail aurait-il fini par aboutir ? Je ne sais, mais il n’était pas encore très avancé quand brusquement me revint à l’esprit que le nom était cité dans une note du livre de Kay sur l’éducation de la mémoire, et que c’est là d’ailleurs que j’avais fait con-