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tions à faire pour les reconstituer. Ce n’est pas un extrait des images, obtenu en appauvrissant chacune d’elles on ne comprendrait pas alors comment le schéma nous permet, dans bien des cas au moins,.de retrouver les images intégralement. Ce n’est pas non plus, ou du moins ce n’est pas seulement, la représentation du sens abstrait de l’ensemble des images. Sans doute l’idée de cette signification y tient une large place ; mais, outre qu’il est difficile de dire ce que pourrait être cette représentation de la signification des images absolument détachée des images elles-mêmes, il est clair que la même signification logique peut appartenir à des séries d’images toutes différentes et qu’elle ne suffirait pas, par conséquent, à nous faire retenir et reconstituer telle série d’images déterminée de préférence à toutes les autres. Ce schéma est quelque chose d’assez malaisé à définir, mais dont chacun de nous a le sentiment, et qui s’éclaire de plus en plus à mesure que l’on compare davantage les diverses espèces de mémoires entre elles, à mesure surtout que l’on étudie mieux les mémoires pt’o/esstfMn.eHes ou techniques. Nous ne pouvons entrer ici dans le détail de cet examen. Nous dirons cependant quelques mots d’une mémoire très spéciale qui a été, dans ces dernières années, l’objet d’une étude particulièrement attentive et pénétrante, la mémoire des joueurs d’échecs On sait que certains joueurs d’échecs sont capables de conduire de front plusieurs parties sans regarder les échiquiers. A chaque coup de l’un de leurs adversaires, on leur indique la nouvelle position de la pièce déplacée. Ils font déplacer alors une pièce de leur propre jeu, et ainsi, jouant « à l’aveugle », se représentant mentalement à tout moment les positions respectives de toutes les pièces sur tous les échiquiers, ils arrivent à gagner, souvent contre de très habiles joueurs, les diverses parties simultanées. Dans une page bien connue de son livre sur l’Intelligence, Taine a analysé ce genre de mémoire, d’après les indications qui lui avaient été fournies par un de ses amis 2. Il y aurait là, d’après lui, une mémoire purement visuelle. Le joueur apercevrait sans cesse, comme dans un miroir intérieur, l’image de chacun des échiquiers avec ses pièces, telle qu’elle se présente au dernier coup joué. Or, de l’enquête faite par M. Binet auprès d’un assez grand nombre de « joueurs sans voir » une conclusion bien nette paraît se dégager c’est que l’image de l’échiquer avec ses pièces n’est pas présentée à la mémoire du joueur telle quelle, « comme dans ). Binet, ~e/t0/o.e des ~t’anc~ ea~cM~eM ;~ et joueurs d’échecs, Paris, d894. 2. Taine, /~e l’intelligence, Paris, 1870, t. I, p. 81 et suiv.