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qui doit être, ils ne prêtent en général à ce qui est qu’une attention faible et intermittente. Et comme, d’un autre côté, les savants, les interprètes de la réalité, ont jusqu’ici négligé l’étude des faits religieux, il se trouve qu’en ces matières, le point de vue de l’observation vulgaire n’a pas encore été beaucoup dépassé.

Une étude complète de la « vie active » ne rentrerait nullement dans le plan de ce travail. Il importe seulement d’envisager ici quelques phénomènes frappants recueillis, pour la plupart, par des évangélistes et des pasteurs, négligés par les théoriciens, et qui jouent un rôle capital dans la genèse du fanatisme. Ces phénomènes offrent d’autant plus d’intérêt et méritent d’autant mieux d’être introduits dans les cadres de la psychologie, qu’ils pourraient servir, en même temps qu’à la pathologie religieuse, à la science du caractère.

En effet, la vie contemplative et la vie active correspondent évidemment à deux des grandes classes de tempéraments et de caractères que s’accordent à reconnaître, depuis Hippocrate, les psychologues comme les physiologistes : les sensitifs et les actifs. Mais, tandis qu’Hippocrate ramenait les quatre tempéraments aux quatre « humeurs » par lui admises ; tandis que les modernes physiologistes essayent de les rattacher soit au ton plus ou moins élevé du système nerveux, soit aux modifications constructives et destructives de l’organisme, les psychologues acceptent en général purement et simplement ces données fondamentales et se bornent à superposer, à ces grandes classes, des espèces et des variétés déterminées par l’intervention du facteur mental. Je crois que quelque secondaire que soit le rôle de l’intelligence dans la formation du caractère, la psychologie peut aider à en poser les conditions les plus générales et il me semble que, sans rien exagérer, les faits suivants et les considérations qui les accompagnent, fourniront une petite contribution utile à l’éthologie : que l’examen des mobiles qui poussent, parfois contre leur propre gré, vers la « vie active » certains hommes religieux, permettra d’aller un peu plus avant dans la connaissance de la classe entière des actifs.

Le mystique, le contemplatif tend à vivre d’une vie purement intérieure, excluant sans doute l’activité, mais surtout les relations sociales. Je crois avoir suffisamment montré que le développement exagéré de cette tendance tient en grande partie aux conséquences désastreuses qu’entraîne pour le moi individuel du malade chaque tentative avortée d’adaptation à un milieu social quelconque. Si le mystique perd peu à peu les sentiments de famille, etc., c’est que