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implique-t-elle aucune dans ses principes ou dans ses conclusions ? C’est ce que les savants ne nous disent point [1].


II


Dans tout ce débat, où il s’agissait de savoir si la science aura la direction finale de l’humanité, on n’avait négligé qu’une chose : définir la science. Or, ce terme a un sens large et un sens restreint. Une science, au sens le plus étendu, ou, tout au moins, une

  1. « Le mal, a dit M. Richet dans une très belle étude, c’est la douleur des autres. Voilà ce que nous ont appris la physique et la zoologie, la chimie et l’astronomie, la botanique et la physiologie, la géographie et la philologie, l’anthropologie et les mathématiques. » On est quelque peu surpris de cette découverte morale faite par des sciences purement objectives, y compris l’astronomie et la géographie ; et on se demande, en cette triomphante énumération, comment il se fait que la psychologie, la morale même et la philosophie générale soient absentes. Pour M. Richet, l’homme admet par simple « constatation » qu’ il faut faire son devoir et que son devoir est clair ; qu’il faut avant toute chose être juste… que l’abnégation est encore le meilleur moyen et peut-être le seul d’être heureux ; qu’elle est, en tout cas, un impératif catégorique qui s’impose, et auquel nul n’a le droit de se soustraire. » C’est, ajoute-t-il, à la formation de cette morale qu’ont abouti les efforts des savants M. Richet oublie toujours les philosophes ; et les philosophes, eux, n’admettront pas la confusion de « l’impératif catégorique » avec un objet de « constatation » pure et simple. M. Giard, se jetant dans la mêlée, a voulu d’abord montrer dans les religions « des anesthésiques, non des stimulants » ce qui est étrange quand on songe à tout ce que les religions ont produit d’activité, plus ou moins bien employée. Puis, M. Giard s’en prend aux métaphysiciens, qui n’en peuvent mais : « Loin de voir dans l’apparente confusion des idées un symptôme fâcheux, nous devons, dit-il, nous en réjouir. Ce n’est pas, en effet, l’agitation stérile des métaphysiciens bombinantes in vacuo ; c’est l’activité féconde et productrice d’un chantier où de nouveaux ouvriers affluent tous les jours, désireux d’apporter leur pierre à l’édifice. Ceux qui restent au dehors à nous regarder faire, spiritualistes, bourgeois décadents, mystiques et autres esthètes fin de siècle, incapables par hérédité ou par éducation de comprendre le nouvel état de choses qui s’établit et d’en déduire les conséquences philosophiques et sociologiques ; ceux que leurs intérêts de castes rattachent encore aux périodes antérieures de l’humanité, tous les arriérés et les dégénérés peuvent blasphémer contre la science et nier le progrès. La sélection naturelle et la marée montante du socialisme auront tôt fait de nous débarrasser de ces vestiges du passé et d’assainir le sol où doivent évoluer les nouvelles formes de l’avenir. » À la demande « Que sommes-nous ? » M. Morselli s’est contenté de répondre : « Nous sommes vertébrés, mammifères, primates, d’un ordre peu dissemblable de celui des quadrumanes. » (~a p ?’e<e. !C[ Bancarotla della scienza, Parma, 1895.) A la demande D’où venons-nous ? M. Morsetti a répondu « Nous venons de formes antiques qui, dans l’adaptation aux conditions de la vie, ont acquis le petit nombre de caractères spécifiques par lesquels nous nous distinguons des autres anthropoïdes. De nos jours, on vient de trouver une forme probablement intermédiaire entre l’homme et les primates, le PMeca~AropMs e ?’ec<M~ de Sumatra. M. Morselli ne s’apercevait pas qu’il répondait ainsi à des questions d’origine purement biologique, lesquelles ne nous apprendront point ce que nous sommes intellectuellement et moralement.