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puis il devient moyen d’expression. — Mais c’est précisément ce qu’a écrit M. Combarieu sur l’évolution de la musique ! — S’il n’avait dit que cela, il n’aurait rien dit que de vrai. Mais il entend parler de l’évolution de la « pensée musicale ». Et c’est cette évolution que nous tenons, nous, pour très douteuse. La musique peut suggérer des sentiments, éveiller des émotions analogues à celles qui ont suscité l’invention d’une forme mélodique. D’une manière générale, la musique peut être expressive, sans que ce qu’elle exprime soit un état mental définissable ou même simplement précis, surtout, sans que ce qu’elle exprime soit de l’ordre de la pensée. Il y a là, comme eût dit Pascal, des « ordres » à ne pas confondre.

Nous ne saurions, en finissant, trop remercier M. Combarieu d’avoir osé toucher à l’un des problèmes les plus ardus de l’esthétique. Même il faut le féliciter d’avoir trop présumé de ses forces. Car s’il ne s’était pas cru en état de donner l’assaut, il n’aurait point fait de siège. Et s’il n’avait point fait de siège, il nous aurait laissé ignorer .et la situation de la place et ses moyens de défense. Donc il nous a tirés d’une longue ignorance. Et c’est pourquoi son livre en dépit de fies « énormités » reste, après tout, un livre qui lui fait honneur, et que nos « chroniqueurs » musicaux les plus experts n’auraient certes pas été capables d’écrire.

Lionel Dauriac.




Wallashek. Primitive music. London, Longmans, Green and Co. 1893, in-8.

Il est difficile d’être mieux informé que l’auteur de cette attrayante et suggestive étude. Il a interrogé les voyageurs, les esthéticiens. Rien de ce qui touche, soit à la psychologie de la musique, soit à celle du musicien, ne semble lui avoir échappé, et c’est merveille de voir avec quelle aisance l’écrivain se meut à travers cette masse énorme de documents dont, si l’authenticité n’est pas toujours directement vérifiable, on peut bien oser soutenir que leur degré de vraisemblable suffit, dans la plupart des cas, à faire estimer leur valeur. C’est du moins ainsi qu’il nous a plu d’apprécier et d’accueillir les conclusions de M. Wallaschek.

Les choses qu’il nous assure se passer ou s’être passées ne nous étonnent guère : c’est bien ainsi, selon nous, qu’il fallait que ce fût.

La musique est-elle essentiellement mélodie ? Oui, répond Wagner. Et l’on est bien près de sourire. M. de la Palisse eût-il autrement répondu ? M. Wallaschek, lui, donne une autre réponse ; ou, du moins, s’il parvient à démontrer que ce qui apparaît tout d’abord, dans l’évolution de la musique, c’est, non la mélodie, mais le rythme, nous voilà conduits à cette induction préhistorique très curieuse et très vraisemblable : avant de diviser (inconsciemment) en parties proportionnelles, ce qu’il nous est arrivé d’appeler la dyade indéfinie de l’aigu et