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tomiques, avec la manière dont ils sont disposés dans l’espace, constitue le milieu interne des organismes, on pourra dire : L’origine première de tout processus social de quelque importance doit être recherchée dans la constitution du milieu social interne.

Il est même possible de préciser davantage. En effet, les éléments qui composent ce milieu sont de deux sortes : il y a les choses et les personnes. Parmi les choses, il faut comprendre, outre les objets matériels qui sont incorporés à la société, les produits de l’activité sociale antérieure, le droit constitué, les mœurs établies, les monuments littéraires, artistiques, etc. Mais il est clair que ce n’est ni des uns ni des autres que peut venir l’impulsion qui détermine les transformations sociales ; car ils ne recèlent aucune puissance motrice. Il y a, assurément, lieu d’en tenir compte dans les explications que l’on tente. Ils pèsent, en effet, d’un certain poids sur l’évolution sociale dont la vitesse et la direction même varient suivant ce qu’ils sont ; mais ils n’ont rien de ce qui est nécessaire pour la mettre en branle. Ils sont la matière à laquelle s’appliquent les forces vives de la société, mais ne dégagent par eux-mêmes aucune force vive. Reste donc, comme facteur actif, le milieu proprement humain.

L’effort principal du sociologue devra donc tendre à découvrir les différentes propriétés de ce milieu qui sont susceptibles d’exercer une action sur le cours des phénomènes sociaux. Jusqu’à présent, nous avons trouvé deux séries de caractères qui répondent d’une manière éminente à cette condition ; c’est le nombre des unités sociales ou, comme nous avons dit aussi, le volume de la société, et le degré de concentration de la masse, ou ce que nous avons appelé la densité dynamique. Par ce dernier mot, il faut entendre, non pas le resserrement purement matériel de l’agrégat qui ne peut avoir d’effet si les individus ou plutôt les groupes d’individus restent séparés par des vides moraux, mais le resserrement moral dont le précédent n’est que l’auxiliaire et, assez généralement, la conséquence. La densité dynamique peut se définir, à volume égal, en fonction du nombre des individus qui sont effectivement en relations, non pas seulement commerciales, mais morales ; c’est-à-dire, qui non seulement échangent des services ou se font concurrence, mais vivent d’une vie commune. Car comme les rapports purement économiques laissent les hommes en dehors les uns des autres, on peut en avoir de très suivis sans participer pour cela à la même existence collective. Les affaires qui se nouent par-dessus les frontières qui séparent les peuples ne font pas que ces frontières n’existent pas. Or, la vie commune ne peut être affectée que par le nombre de ceux qui y collaborent efficacement. C’est pourquoi ce qui exprime le