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polygone est égale à 4 droits ; … et quand… le polygone est un triangle, la somme des angles intérieurs étant toujours égale à 4 droits, en vertu de ce postulat, il est facile de voir que la somme des angles intérieurs du triangle est égale à deux droits[1]. »

Cette idée n’est pas précisément nouvelle, elle date d’un demi-siècle[2]. « On ne peut assez s’étonner, disais-je en 1860[3], que le postulat se trouve dissimulé dans une demande aussi simple. » Car l’accorder, c’est accorder implicitement que l’angle extérieur d’un triangle est égal à la somme des deux intérieurs qui lui sont opposés. « On admet au fond que si par le point A on mène une droite qui fait l’angle b égal à l’angle extérieur B, le troisième angle c est égal au troisième angle extérieur C ; et c’est précisément ce qu’il faut démontrer. »

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Il y a mieux à dire encore sur cette démonstration, c’est qu’elle est rigoureuse à un infinitésimal près. En effet, les angles extérieurs A, B, C couvrent tout le plan, sauf le triangle ABC qui peut être aussi petit que l’on veut. Or, en définissant l’angle « la portion d’espace plan comprise entre deux droites qui partent d’un même point », on voit que ces angles font quatre droits, moins la surface du triangle. De là, les angles du triangle font deux droits plus la surface du triangle. Le triangle peut être infiniment petit. Il y a donc un triangle où la somme des angles équivaut à deux droits plus un infiniment petit, et par conséquent à deux droits, cet infiniment petit disparaissant doublement devant l’infinité du plan. Or Legendre a démontré que s’il y a un seul triangle où les angles sont égaux à deux droits, tous les triangles participent de cette propriété.

Pourquoi donc cette démonstration ne nous satisfait-elle point ? c’est parce qu’elle n’aborde pas franchement le postulatum d’Euclide. Celui-ci est intimement lié à la définition que l’on donne des parallèles. Les définit-on « des droites qui ne peuvent se rencontrer

  1. Année philosophique, 1892, p. 19 et suiv.
  2. Voir C. Frantz, die Philosophie der Mathematik, p. 116.
  3. Prolégomènes, etc., p. 215.