Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 38.djvu/108

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tels sont les principes de la classification nouvelle proposée par M. de la G. Sa division fondamentale, établie au point de vue subjectif-objectif, comprend seulement trois groupes : 1° arts et lettres correspondant à la fois au beau et à la sensibilité ; 2° sciences positives de la nature correspondant à la fois au vrai et à l’intelligence ; 3° sciences humaines, morales et sociales, ou de l’esprit ou du fait humain, correspondant à la fois au bien du fait humain et à la volonté (p. 89). Un exposé détaillé des subdivisions qu’il établit ensuite nous entraînerait trop loin, nous nous contenterons de signaler les passages intéressants suivants : M. de la G. considère justement le roman comme le successeur en ligne directe du poème épique ; il ose distinguer, avec des réserves, il est vrai, lorsqu’il parle des sciences positives objectives, la science de l’individuel et contingent et la science du général : une pareille division choquera tous ceux qui continuent d’admettre, sur l’autorité de Socrate, de Platon, d’Aristote et des scolastiques, qu’il n’y a pas de science du particulier ; mais il est incontestable qu’on peut connaître scientifiquement l’individuel : l’histoire, la géographie, qu’on s’accorde à appeler sciences, sont à peu près entièrement des sciences de l’individuel.

M. de la G. attribue sans hésiter la vie aux minéraux ; il déclare même, mais il a le tort de ne pas développer sa pensée, qu’ils ont des fonctions de nutrition. Parlant de la théologie, il fait cette remarque intéressante, confirmée, semble-t-il, par l’expérience, que lorsqu’une religion se dissout, c’est d’abord le dogme qui s’efface, puis la morale particulière attachée à cette religion, puis le culte extérieur, tandis que le développement de la religion se fait dans l’ordre inverse. Le jugement qu’il porte sur les rapports de la religion et de la métaphysique est important à relever, attendu que M. de la G. ne professe aucune hostilité contre l’une ni contre l’autre : la métaphysique avait le vice essentiel, dit-il, qui lui était commun avec la théologie, de ne pas s’assurer de ses points de départ ; cependant « la métaphysique a vivement attaqué la religion » (p. 223). Il fait également de très bonnes remarques sur la psychologie, quoiqu’il ne soit pas un psychologue de profession : ainsi il estime justement que la psychologie a fait longtemps fausse route, « étant traitée par la méthode déductive qui ne s’y adapte nullement », mais il exagère en disant ensuite que la psychologie inductive est encore une science en voie de formation plutôt que prête pour l’enseignement : les sensations, la mémoire, la durée des phénomènes psychologiques et d’autres points encore sont depuis assez longtemps déjà étudiés avec soin et dès aujourd’hui très suffisamment connus.

M. de la G. identifie la morale à la science sociale subjective : c’est là une conception de la morale qui concorde avec la plupart de celles qui sont exposées aujourd’hui dans les grands ouvrages sur la morale. « C’est de la société elle-même que vient la caractérisation des actions, on est bon ou mauvais toujours envers quelqu’un » (p. 257). Cela est