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Si maintenant nous sondons les bases de l’idéalisme transcendantal inconséquent, nous voyons que la reductio ad absurdum de l’idéalisme conséquent n’en garde pas moins sa valeur. Des choses en soi, exemptes de toute relation avec le moi, sont comme si elles n’étaient pas. L’idéalisme transcendantal inconséquent passe par quatre étapes avant de se transformer en réalisme transcendantal. La première est l’aveu de l’existence en soi, positive ; la deuxième est l’admission d’une causalité transcendante ; la troisième étape est l’attribution de la forme du temps à la chose en soi ; la quatrième consiste à reconnaître l’espace comme forme transcendante de l’existence et de l’activité des choses en soi.

Après avoir montré les contradictions entre les principes et la conduite de nombreux idéalistes, M. H. passe en revue trois formes de réalisme inconséquent : le solipsisme, le spiritualisme immatérialiste et la monadologie. — Le solipsiste affirme qu’aucun objet de représentation n’a le droit de se placer dans un rapport transcendantal avec une chose en soi à la seule exception du moi. Il y a trois manières de prouver que le moi se reconnaît comme une chose en soi. La première consiste à faire de la forme vide de la conscience une substance indépendante de l’objet, à la considérer comme un sujet actif et producteur, à attribuer à ce sujet une réalité transcendantale, et elle admet que ce sujet se reconnaît lui-même dans la. conscience. Ce procédé est injustifié et impraticable, car cette forme de la conscience est passive et ne peut se reconnaître elle-même. — Par la deuxième manière, on tente de prouver le sens transcendant du mot sujet comme substrat et producteur de l’activité intellectuelle inconsciente, dont le produit apparaît comme l’unité du contenu et de la forme de la conscience. Mais c’est une tentative hypothétique qui se trouve sur la même ligne que l’essai qui consiste à rapporter les autres objets à des choses en soi extérieures. — Dans la troisième manière, on croit saisir immédiatement dans la fonction de la volonté particulière le sujet transcendant, qui, dans la fonction de représentation, se cache derrière l’objet. Ce procédé est encore impraticable, car la fonction de volonté active comme telle reste éternellement inconsciente aussi bien que la fonction active de représentation qui produit les objets : ce ne sont jamais que les buts idéaux de la volonté ou les sentiments concomitants qui tombent dans la conscience. Du reste, à ne regarder que l’hypothèse du solipsisme, on voit que l’on ne gagne rien à admettre un moi chose en soi. Le défaut du solipsisme, c’est que, de la détermination involontaire de la productivité inconsciente de l’être percevant, il ne revient pas aux causes qui la déterminent et qui sont en dehors de la sphère de sa subjectivité. De plus, la conscience morale exige impérieusement une réalité transcendantale des autres personnages du rêve de la vie en dehors de la première personne. Le solipsiste ne peut trouver place pratiquement que dans un hôpital de fous.