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ANALYSES.e. belhache. Les forces immatérielles.

les sciences spéciales, pour essayer d’en dégager la loi générale qui régit l’univers entier. Mais elle doit aussi se demander quelle est la cause suprême d’où dérivent tous les phénomènes de l’univers, quelle est la nature de l’être, de la substance primordiale d’où dérivent toutes les autres existences. » N’y a-t-il pas là un véritable sophisme ? Le mot cause n’est-il pas pris dans deux sens différents ? Pour le savant, le problème de la cause ne se distingue pas du problème de la loi ; la cause est une expression de la loi, elle est l’antécédent constant, le premier terme d’un rapport entre deux phénomènes. Dans ces deux propositions la chaleur : dilate les corps, Dieu a créé le monde, la cause est-elle entendue dans le même sens ? peut-elle être trouvée par une seule et même méthode ? Quel philosophe ne prendra pas parti pour les positivistes contre l’auteur quand il soutient que « l’on peut connaître la cause suprême en employant précisément dans sa recherche le même procédé que dans la recherche des lois… que, quand les sciences particulières nous auront renseignés d’une façon complète sur tous les faits de l’univers, alors on pourra en déduire avec une parfaite certitude la nature de la cause suprême ». Mais dans les sciences le raisonnement va du même au même, d’un fait à un fait, est-ce le même procédé logique qui va nous permettre de sauter du phénomène dans l’être ? Enfin est-ce simplement résumer les conclusions de la science, n’est-ce pas en donner une interprétation du point de vue de l’esprit, que de subordonner les conclusions des sciences abstraites aux conclusions des sciences concrètes, que d’expliquer l’évolution par la finalité, le mouvement par l’idée du bien ?

Le manuel de M. Worms n’a pas seulement cette originalité qu’on en peut discuter la méthode et le système. Il ne reproduit pas les mêmes problèmes, les mêmes arguments, les mêmes solutions que les manuels présents et passés, et dans le même ordre. Il a quelque chose de libre, de laïque. Il est écrit dans une langue claire, ferme, qui abonde en formules bien frappées. Il traite des sciences avec compétence, il les relie les unes aux autres, coordonne leurs conclusions dans un système qui est celui de l’évolution. Il fera circuler des idées nouvelles. Il éveillera les esprits.

Gabriel Séailles.

E. Belhache. Les forces immatérielles : La pensée et le principe pensant. 1 vol.  in-8o, 378 p. Paris, Perrin et Cie, s. d.

Le premier livre est consacré à la critique, un peu exotérique notre avis, des systèmes sensualistes et des systèmes idéalistes ; le second à l’exposé de la doctrine personnelle de l’auteur que nous résumerons en suivant de près l’analyse qu’il en donne lui-même dans sa conclusion : Il n’y a pas d’idées innées ; en entrant en exercice notre entendement est complètement vide de connaissances. C’est par les sens que l’âme reçoit les premières impressions du monde tangible ; mais en ressen-