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cation de ce genre en langue espagnole ; elle inaugurait ces programmes de fin d’année, conçus dans l’esprit des Institutions de philosophie, dont le quatrième tome embrassait les éléments des sciences mathématiques, physiques et naturelles qui sont indispensables aux apprentis philosophes. Nos innombrables manuels, nés de l’industrie du baccalauréat, pourraient prendre modèle sur ces programmes qui datent de 1814, et dont l’un a pour titre : Doctrinas fisicas que expondrán por conclusión de término veinte alumnos de la clase de Filosofia (Imprenta del Comercio). Dans ce cahier figurent la chimie, la physique, la botanique, avec la géographie et l’astronomie ; connaissances qui n’avaient pas cours dans les universités. Ainsi se réalisaient les vœux de la Société patriotique, exprimés en 1794, dans la séance du 7 juin. Elle voulait que les jeunes gens qui aspiraient à servir la patrie dans l’administration eussent des connaissances au moins élémentaires de mathématiques, de dessin, de physique, de chimie, de botanique, de zoologie et d’anatomie. On enseignait tout cela au séminaire de Saint-Charles. L’évoque, qui protégeait cet enseignement nouveau contre les vieux docteurs, fournissait libéralement les principales pièces du cabinet de physique. Les sciences bien groupées faisaient cortège à la philosophie positive du xviiie siècle. Le maître enseignait sommairement tout ce qu’on savait alors, se tenant au courant des progrès et des découvertes, propageant tout ce qui se faisait de nouveau en Europe. Cuba pouvait se vanter de posséder un enseignement secondaire qui n’existait alors nulle part.

Tout en remplissant ses devoirs de maître, Varéla n’oubliait point ses devoirs de prêtre et de prédicateur. Le 28 octobre 1812, à la veille des élections aux Cortès, il prêcha, dans une des principales paroisses de la Havane, un sermon célèbre sur ce texte du prophète Zacharie (viii, 19) : Veritatem tantum et pacem diligite. L’homme est tout entier dans cette devise. Ce sermon évangélique acheva de le rendre populaire, et le désigna lui-même aux électeurs, comme un homme de mouvement et d’action.

Ce prêtre si docte et si modeste travaillait à séculariser la philosophie, en la faisant passer de l’école dans la vie. Il fallait la rendre accessible au grand nombre. Les programmes de fin d’année lui offraient un excellent moyen de propagande. Initié à ces études par les fêtes auxquelles il était invité, le public savait ce qui se passait dans les écoles, et suivait avec intérêt les progrès de la jeunesse. Dès l’année 1816, le maître avait trouvé sa voie ; la réforme était assurée, ainsi que l’atteste l’opuscule publié à l’occasion des examens publics du mois de juillet : Doctrinas de lógica, metafisica y moral enseñadas en el Real Seminario de San Carlos de la Habana por el presbitero don Félix Varela, en el primer año del curso filosófico. C’est un abrégé du cours complet de philosophie, conçu dans l’esprit du xviiie siècle, d’après les méthodes les plus conformes à la réalité des choses. On y