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donc des sens et de la conscience, et c’est par artifice qu’on suppose éliminé tout emprunt à nos sens ou à notre conscience : si tout était réellement éliminé, il ne resterait pour nous absolument rien. Ne soyons donc pas dupes de nos classifications pour l’usage scientifique et ne nous imaginons pas qu’il existe réellement deux « règnes », l’un où il n’y aurait que mouvement, l’autre où il n’y aurait que sensibilité ou pensée. Pour le philosophe, le monde n’est point double ni explicable par le chiffre cabalistique : 2. Il n’y a qu’une réalité à la fois une et infiniment multiple, dont notre expérience saisit certains phénomènes et certains rapports parmi une infinité qu’elle ne saisit pas. Au nombre de ces phénomènes et de ces rapports, il y en a un très général et très commode pour la science : le mouvement avec ses lois, qui nous sert à nous représenter intelligiblement les choses, par emprunt aux sens de la vue et du tact, d’une part, aux lois de la logique d’autre part ; mais un mode de représentation visuelle ou tactile, c’est-à-dire sensitif par un côté, et, par un autre côté, logique ou intellectuel, ne constitue pas un « royaume » d’étendue, où la conscience et la pensée n’auraient rien à voir, une série se développant par soi et en soi, en dehors de tout ce qui constitue la vie interne et indépendamment de tous les éléments de cette vie.

Pour le philosophe, le monde sous son aspect mécanique et physique n’est vraiment qu’un phénomène, c’est-à-dire une apparence présentée à la conscience d’un observateur. Comme apparence physique, le monde est constitué par la combinaison de nos sensations. Dans le monde physique, ainsi considéré comme un simple phénomène, il est vain de chercher une réelle activité on causalité, des forces autres que les forces purement symboliques de l’algèbre ; il n’y a que des successions de phénomènes duns le temps et dans l’espace, dont les formules mv, m » ’, etc., expriment simplement l’ordre de séquence. La vraie activité doit être attribuée seulement à la réalité qui réside sous le système des apparences visibles et tangibles. Quelle est donc cette réalité ? Selon nous, elle se manifeste, comme par une perspective intérieure, dans ce groupe spécial de phénomènes que nous appelons les processus cérébraux. Dans ce cas singulier, en effet, l’apparence mécanique qui se présente à l’observation externe est le signe sensible et l’indice d’une activité interne que saisit l’individu sentant et qui constitue sa volonté consciente. Ceci nous ouvre une fenêtre sur le dedans des choses. Les phénomènes cérébraux, considérés comme apparences physiques, sont réductibles à un échange de mouvement entre le cerveau et le système matériel dont le cerveau, comme tel, forme une partie intégrante ;