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a. fouillée. — existence et développement de la volonté

science divers, qui sont précisément la sensation et l’impulsion avec le sentiment d’effort qui en est inséparable[1].

Outre les centres moteurs spéciaux, on a imaginé aussi des centres spéciaux d’inhibition. De même qu’on trouve les actions contraires de l’attraction et de la répulsion dans la physique moléculaire, de la gravitation et de l’inertie dans la physique des masses ; de même l’équilibre mobile des centres nerveux dépend des effets opposés de la décharge et de l’inhibition ; mais il n’y a pas besoin pour cela d’organes absolument spéciaux. Le courant nerveux est certainement ondulatoire : deux courants nerveux (comme deux sources de lumière ou de son) peuvent donc ou se renforcer ou produire une interférence et se neutraliser. Deux ondes sonores peuvent produire le silence ; deux ondes lumineuses l’obscurité ; l’inhibition est de même un résultat de mouvements qui se neutralisent. Si certaines parties de l’écorce cérébrale et du système nerveux sont fortement excitées par un surplus d’innervation, certaines autres parties seront inhibées. Toutes les cellules sont capables de réagir contre la résistance qui s’oppose à leur décharge, l’inhibition se produit à la fin quand l’accroissement de la résistance dépasse les limites de tension que les cellules peuvent atteindre.

On peut d’ailleurs, en vertu des corrélations mécaniques qui existent entre les diverses parties du corps vivant, admettre que certains points finissent par jouer d’ordinaire, par rapport à certains autres, le rôle d’organes relatifs d’inhibition, de même qu’il y a des points qui sont relativement moteurs et d’autres relativement sensoriels ; mais c’est là une organisation dérivée, qui n’implique pas une séparation primitive et complète, soit des fonctions sensorielle et motrice, soit des fonctions excitatrice et inhibitoire. De même que, psychologiquement, tout état de conscience enveloppe à des degrés divers les trois fonctions essentielles de sensation, d’émotion et d’appétition, mais que les rapports mutuels des états

  1. M. Bastian admet, comme nous, que le sentiment d’effort « est lié au conflit d’idées et de motifs qui précède la prépondérance de l’un d’entre eux » ; il ajoute contre Bain et M. Ribot : « Il n’y a aucune bonne raison de croire que l’action des muscles ait quoi que ce soit à faire avec la production de ce sentiment d’effort. » II ajoute encore avec raison que, dans le cerveau même, rien n’assure l’existence de centres spécifiquement moteurs. D’où provient donc le sentiment d’effort ? « Il doit être partout, répond-il, l’apanage des centres sensoriels et de leurs annexes, concourant à l’exercice de nos processus intellectuels. » Fort bien ; mais, selon nous, cet « apanage » tient à ce que les contres sensoriels sont eux-mêmes indivisiblement appétitifs et moteurs. Au point de vue psychologique, nous l’avons vu, aucune sensation n’est vraiment indifférente et sans appétition ; au point de vue physiologique, aucun centre ne se borne à recevoir du mouvement sans en restituer.