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été présente, et la volonté aussi, et l’effort contre la résistance. C’est cette continuité même du vouloir qui fait croire à son absence ; le tapage des sensations concomitantes et plus ou moins discordantes étouffe le reste, et le phénomène tout entier paraît un simple déploiement de sensations passives.

II.

— Une conséquence de la théorie qui précède, c’est que la distinction des centres moteurs et des centres sensoriels est plus ou moins artificielle. Tout centre est en même temps sensoriel et moteur, puisqu’il reçoit du mouvement et en restitue. Mais le mouvement d’un centre peut être favorisé ou contrarié par tels et tels autres centres:il en résulte des directions et distributions de mouvements différentes. Tantôt le mouvement se répandra surtout dans le cerveau, d’un centre à l’autre, de manière à réveiller des souvenirs de sensations, des idées composées de ces souvenirs, etc. Tantôt le mouvement se dirigera et se distribuera du côté des muscles, de tels et tels muscles. Par l’habitude, il se forme des voies de communications directes et faciles, par cela même aussi des centres relativement moteurs, correspondant aux divers membres. Mais ces centres sont aussi représentatifs et sensoriels; ils ne sont même moteurs de tel membre que parce qu’ils sont les représentants de ce membre au cerveau, et ce qui dirige le mouvement vers tel membre, non vers tel autre, c’est la représentation consciente ou subconsciente du membre, c’est la vibration du centre sensoriel auquel aboutissent les mouvements de ce membre. C’est donc parce qu’un centre est physiologiquement et psychologiquement représentatif d’un membre déterminé qu’il est moteur de ce membre déterminé et non de tel autre : la représentation est un dessin de mouvement commencé qui, par la coordination du système nerveux, se propage jusqu’aux muscles du membre dont on s’est représenté le mouvement. En un mot, un centre n’est moteur que parce qu’il est sensoriel. Mais nous avons vu que la réciproque est vraie aussi, quoiqu’on l’oublie sans cesse. Un centre n’est sensoriel que parce qu’il est moteur : la sensation implique un mouvement transmis à un centre qui oppose à l’action une réaction en sens contraire ; le centre mû meut à son tour : s’il n’y avait pas d’autres centres en question, le coup donné par le mouvement centripète à un centre cérébral produirait en réponse un mouvement centrifuge sur la même ligne. Chaque centre étant ainsi actionné et actionnant, toute sensation est en même temps impulsion, toute impulsion est en même temps sensation. L’arrivée et le départ du courant ne s’en manifestent pas moins au centre cérébral par deux états de conscience