Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/594

Cette page n’a pas encore été corrigée

physiologistes affirmant le contraire des premiers, toujours au nom de la science. La queslion du mécanisme de la volonté, celle du sentiment de l’effort et celle des centres moteurs en sont la preuve ; MM. Ferrier, Bastian, Wundt, Mùnsterberg, etc., paraissent également sûrs de choses opposées.

Nous avons dit qu’un acte volontaire, du côté mental, suppose la représentation d’un mouvement déterminé et un désir de ce mouvement ; or, on ne peut se représenter un mouvement déterminé dans tel membre que par le souvenir des sensations musculaires, tactiles, etc., qui se produisent pendant que ce membre est mû : nous accordons donc que toute volition enveloppe des souvenirs de sensations afférentes, qui représentent le point d’arrivée et même le chemin des cordons nerveux à partir du cerveau. Il faut, en outre, que nos membres aient d abord été mis en mouvement par une simple diffusion spontanée et irréfléchie du courant nerveux, pour que nous puissions faire connaissance avec tel mode particulier de mouvement et, en nous représentant notre état général à ce moment, ainsi que nos sensations affértntes, reproduire volontairement la même motion. Nous ne pouvons avoir une idée du mouvement de notre oreille jusqu’à ce que notre oreille ait été mise en mouvement ; si, par la diffusion du courant nerveux, nous venons à être avertis du mouvement de notre oreille, nous serons en possession d’un certain plan de mouvement, que nous pourrons ensuite volontairement exécuter. Nous ne pouvons contracter à volonté nos intestins ; c’est que nous n’avons aucune image-souvenir de la manière dont la contraction se fait sentir.

Mais, objecte Mùnsterberg, on ne voit pas « pourquoi nous n’aurions pas aussi bien la conscience de l’effort à notre disposition là où les contractions elles-mêmes ne sont point senties, et pourquoi il ne pourrait pas amener les contractions ». — Mùnsterberg oublie qu’on ne peut atteindre un but qu’on ne voit pas, ni réaliser un mode de mouvement intestin dont la sensation ne nous donne aucun schème. Mais, de ce que l’effort mental et cérébral, à lui seul, ne suflit pas pour déterminer tel mouvement de telle partie du corps, pas plus qu’un seul point ne détermine une ligne, en résulte-t-il que la représentation d’une impression purement périphérique suffise sans un élément central et cérébral quia pour corrélatif l’intensité du vouloir, du désir et de l’effort ? Pour avoir un levier, il taut avoir une puissance et une résistance ; la constante nécessité de l’une n’empêche pas, mais implique, au contraire, la constante nécessité de l’autre.

1. M. Danville, lui aussi, dans son article sur l’Idée et la Fofce (p. 399), nous renvoie aux « observations incontestables » de M. Charcotqui démontrent, selon lui, la non-subordination des centres moteurs aux centres sensoriels. Et en même temps, il reconnaît que plusieurs physiologistes allemands, Wernicke, Lichtheiin, admettent cette subordination. 11. Bastian, comme on va le voir, l’admet aussi, tellement tout cela est « incontestable ».