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Dans la conception même du fait psychologique, on trouve impliquées : 1° la distinction de sujet conscient et d’objets qui sont présentés ou représentés à la conscience sous une forme quelconque (sensations, idées, etc.) ; 2° la relation des objets, harmonie ou conflit avec le sujet même, relation qui se manifeste par le caractère agréable ou pénible de la sensation ; 3° une réaction quelconque du sujet par rapport à l’objet, une activité quelconque d’ordre subjectif, émotion, volition, etc., qui est le fond du vouloir. Cette réaction peut être plus ou moins étendue ; elle peut n’embrasser qu’une faible quantité de nerfs et ne produire qu’une irradiation nerveuse peu intense ; telle est, par exemple, la sensation visuelle produite en moi par une tache grise et indifférente sur le sol. Quand je ne fais pas attention à la tache grise, la réaction n’est qu’une vibration faible qui se perd dans la masse, sans acquérir le relief d’un acte distinct. Dès que je fais attention, il y a déjà acte évident, concentration des mouvements cérébraux et même musculaires. Ne voir des actes que là où les bras font de grands gestes et où les jambes se remuent, c’est une opinion enfantine. Nous agissons toujours, nous exécutons toujours quelque chose, et même bien des choses à la fois ; nous ne pensons pas à un mouvement sans le commencer, nous ne nous représentons pas une action sans en poser les premières conditions et en esquisser le premier dessin ; toute représentation est un commencement d’exécution. Entre ce commencement et l’exécution complète, il n’y a qu’une différence : 1° de prolongation dans le temps ; 2° d’intensité ; 3° de spécification qualitative ; enfin, 4° d’extension au dehors et de rapport à l’étendue. Penser à un acte de violence, c’est commencer la violence en pensée, c’est esquisser l’acte de violence dans sa tête ; on peut s’en tenir là ; on n’en a pas moins déjà commis un premier acte ; on a eu non seulement une « mauvaise pensée », mais encore une mauvaise impulsion, un mauvais vouloir, et, en définitive, on a déjà fait une mauvaise action, dont on se repent aussitôt et dont on réprime le développement interne, puis externe. La séparation de la pensée et de l’acte est artificielle ; penser, c’est accomplir l’acte avec les cellules cérébrales ; exécuter, c’est l’accomplir avec les cellules musculaires, et jusqu’au bout. Pratiquement et