Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48
revue philosophique

tique lymphatique ou chez un arthritique sanguin. Elle s’unit de bonne heure, chez des enfants qui vivent un peu isolés, au besoin d’occuper leur imagination, de rêver à des histoires imaginaires. « Cette tendance à la rêverie se modifie avec l’âge, et n’est pas un des traits les moins saillants du caractère de ces gens que l’on voit tour à tour livrés aux rêves poétiques et soumis aux impulsions diverses que crée leur tempérament. »

Un autre caractère à signaler chez les arthritiques, à côté de l’inquiétude, c’est la tendance à l’hypocondrie, et l’auteur en distingue deux formes principales, l’hypocondrie causée par la crainte de la maladie et l’hypocondrie anxieuse. « C’est parmi les arthritiques que se recrutent la plus grande partie des malades imaginaires. Il y a à cela une raison, c’est qu’ils sont sujets à des malaises fréquents et divers qui les forcent à fixer leur attention, tantôt sur un organe, tantôt sur un autre ; les congestions locales et les désordres qu’elles amènent finissent par leur faire craindre l’existence de maladies sérieuses. » Quand à l’hypocondrie anxieuse, « c’est surtout chez les arthritiques rêveurs qu’elle se voit ; la tristesse fait facilement place à la rêverie, et ils sont alors en proie à une tristesse vague, sans cause, qui les envahit complètement. Cette anxiété est toute naturelle chez des gens qui sont tristes et qui ne réussissent pas à s’expliquer leur tristesse. Il leur semble qu’un voile noir tombe sur leurs idées, toutes leurs pensées sont empreintes de découragement, comme si leur vie n’avait aucun but ; ils ont en même temps des aspirations vers un idéal meilleur qui serait gai, mais qu’ils ne peuvent définir, et, chose curieuse, ils aiment cette tristesse, ils l’entretiennent avec soin, ils font presque effort pour la conserver, et il ne serait pas étonnant, qu’au fond, ils n’aient un certain plaisir à se sentir tristes. Il y a chez eux quelque chose de l’hystérique qui aime à faire parade des symptômes qu’elle présente : ils sont quelquefois fiers de leur état mélancolique, et s’en imprègnent d’autant plus qu’on leur fait remarquer sa persistance. »

IV

La plupart de ces caractères ont été signalés plus haut, chez les pessimistes. Cette idéation mobile, cette inquiétude morale, ce besoin de changement, cette acuité maladive de la sensibilité et de l’intelligence, cette altération de la faculté volontaire, cette anxiété sans cause, parfois ce malaise et cette gêne au milieu de la foule, tous ces caractères se retrouvent de part et d’autre. Pour compléter le rapprochement, mentionnons, du côté des arthritiques, des perturba-