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p. paulhan. — la responsabilité

lutter contre elles, parce qu’ils n’en auraient pas de mauvaises, ou chez qui le moi serait assez puissant pour prévenir ou réprimer sans peine l’activité des éléments rebelles. Il est facile de voir, cependant, que l’effort et la puissance sont choses tout à fait différentes, que les effets de l’effort sont sans doute proportionnels à l’énergie déployée, mais qu’une énergie plus grande encore supprime l’effort en supprimant la résistance. Plus la personnalité est bien organisée, moins l’effort est nécessaire ; l’effort peut marquer une tendance puissante, mais entravée vers l’organisation. Ainsi en gardant une partie des idées communes sur l’effort moral et la responsabilité, nous rejetons la théorie par laquelle on unit communément ces idées pour deux raisons oubli ou méconnaissance de ce fait que la faculté de faire effort est une qualité psychique qui a comme toutes les autres ses conditions anatomiques et psychiques, et dont nous sommes responsables au même titre que de toutes les autres, — confusion de la chose signifiée et du signe qui n’est pas même bien étroitement lié à la chose. Tout ceci s’interprète par la loi que nous avons déjà posée.

II. La responsabilité des éléments psychiques.

Nous avons considéré jusqu’ici le moi comme un tout organisé, mais nous savons que cette organisation du moi est en fait incomplète, que les systèmes psychiques ne sont pas toujours étroitement reliés les uns aux autres et qu’ils jouissent d’une activité relativement indépendante[1]. Ceci doit évidemment entrer en ligne de compte dans l’établissement des conditions de la responsabilité. Au lieu d’envisager la responsabilité dans un tout organique, nous sommes obligés de la considérer dans les éléments de ce tout et de rechercher ce que devient en ce cas la responsabilité de l’ensemble imparfaitement organisé.

Nous dirons pour les éléments du moi ce que nous avons dit pour le tout : Chaque tendance est responsable des actes qui sont logiquement produits par son fonctionnement. D’une manière générale : chaque élément psychique est responsable de ses conséquences logiques, des autres phénomènes psychiques qui sont produits par lui selon la loi de l’association systématique. Je sais bien qu’il peut sembler étrange et même incompréhensible, absurde au premier abord, de parler de la responsabilité d’un phénomène ou d’une tendance.

  1. Voyez La finalité comme propriété des éléments psychiques (Revue phil., 1888, tome II) et l’Activité mentale et les éléments de l’esprit.