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p. paulhan. — la responsabilité

vés, etc., sont en désaccord logique évident avec les sentiments et les idées qui ont précédé ; il y a une connexion certainement entre la tendance et la blessure, mais cette connexion est accidentelle, il y a ici un pur hasard, si on prend le mot hasard comme on le doit, en un sens qui en fasse l’opposé non pas de la causalité, de la succession des faits selon des lois régulières, mais bien de la systématisation, de la finalité.

Changeons les conditions de l’acte, nous voyons la responsabilité qui augmente ou diminue.

Mais d’abord précisons le sens de la responsabilité dans le cas précédent — ce n’est pas de son acte même que le chasseur n’est pas responsable, c’est des circonstances particulières et imprévues qui ont accompagné ou suivi son acte, parce que ces circonstances n’étaient nullement coordonnées avec les tendances en jeu chez lui. Il est au contraire responsable de son acte même, mais cet acte, le fait de tirer un coup de fusil, peut être considéré comme moralement insignifiant, — au moins n’avons-nous pas à le juger ici. Il est responsable aussi des précautions qu’il a pu prendre et si ces précautions étaient suffisantes, il est jusqu’à un certain point digne d’éloges malgré leur mauvais résultat.

Diminuons maintenant le lien entre le moi et la tendance qui a déterminé l’acte : le chasseur n’a eu aucune mauvaise intention, mais il a tiré un peu à la légère, sans prendre garde. Ici le moi est dans la situation d’un homme qui en ne surveillant pas encore avec assez d’attention ses serviteurs et ses associés leur laisse commettre des fautes pour lesquelles il peut avoir à souffrir. Il y a une sorte de responsabilité morale amoindrie, l’ensemble des tendances qui constituent le moi n’est pas précisément responsable des conséquences de l’acte qu’il a laissé commettre, mais il est responsable de cela précisément, qu’il l’a laissé commettre. La responsabilité morale a pour indice le jugement moral que nous portons sur la conduite de l’individu ; ici nous ne disons pas que le chasseur est un meurtrier, mais nous disons qu’il est un dangereux étourdi. Dans ce cas même d’ailleurs l’appréciation variera avec les circonstances ; selon quelle chasseur est plus ou moins habitué à la chasse, qu’il est plus ou moins jeune, qu’il avait en ce moment des sujets de distraction plus ou moins légitimes, nous porterons sur son compte un jugement plus ou moins sévère, mais il n’y a pas en somme grand intérêt à compliquer davantage cet exemple.

Ainsi, par rapport au cas précédent, nous avons ces deux différences qui peuvent tout d’abord paraître contradictoires : responsabilité moindre de l’acte, responsabilité plus grande des suites de