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bien nous qui agissons ; nous sommes responsables des actes de nos subordonnés en tant que c’est nous qui les avons inspirés, commandés ou permis ou même en tant que nous n’avons pas pris les précautions voulues pour en empêcher l’accomplissement.

Il n’y a pas de contestation possible sur ce point ; ici toutes les écoles peuvent s’accorder, mais elles se divisent dès qu’il s’agit d’attribuer un sens précis à cette proposition : la personne est responsable des actes en tant qu’elle en est cause. L’idée de la personne et l’idée de la cause varient d’une doctrine à l’autre. De plus, la formule nous donne bien une des conditions de la responsabilité, mais elle ne les donne pas toutes ; pour que la responsabilité existe réellement, non seulement l’identité personnelle est nécessaire, non seulement il faut qu’il existe un rapport de causalité entre la personne et l’acte, il faut encore qu’il y ait entre les deux un rapport de finalité.

Analysons ces données, nous verrons, si je ne me trompe, les conditions et la nature de la responsabilité. Si nous examinons les faits d’un peu près, nous voyons qu’il y a bien des manières d’être l’auteur d’un acte, nous n’avons pour cela qu’à tenir compte de la complexité du moi, et à déterminer le rapport qui existe entre le moi et la tendance qui a produit l’acte d’une part, de l’autre entre la tendance et l’acte même. Plus la solidarité sera grande entre les diverses tendances du moi et celle qui a déterminé l’acte, et d’un autre côté plus il y aura harmonie entre cette tendance et l’acte même et ses conséquences, plus aussi la responsabilité est grande. Dans les deux cas, c’est un rapport de fin alité, de systématisation qui en détermine le degré.

Un chasseur en visant une pièce de gibier qui se lève devant lui blesse une personne qui se trouve par là. Le cas où la responsabilité est la plus faible serait celui où la personne ne pourrait être vue de lui, où quelques grains de plomb se sont écartés d’une façon anormale du gros de la charge, où le chasseur en visant droit devant lui avait acquis la conviction raisonnable qu’il n’y avait rien à craindre pour personne. Dans ce cas, nous remarquons bien une forte coordination des tendances qui constituent le moi et de la tendance qui détermine l’acte, coordination qui se manifeste par la volonté de tirer et par la réflexion qui en fait regarder rapidement le champ de tir, c’est-à-dire par l’association systématique de la tendance à tirer avec un assez grand nombre de sentiments, d’idées et de perceptions, mais il n’y a aucune ou presque aucune coordination entre la tendance, le moi et le fait de la blessure. Les perceptions qui suivent l’acte, la vue de la personne blessée, les sentiments éprou-