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p. paulhan. — la responsabilité

ficielle, produite par un mécanisme qui est dans la société l’analogue de la conscience morale dans l’individu, supplée quelque peu à son insuffisance. Sur la sanction comme sur la responsabilité, les idées varient et sont encore imparfaitement coordonnées. Les uns la font dépendre du libre arbitre, les autres la rejettent entièrement. Je pense qu’il y a lieu de conserver certains éléments des théories généralement admises en les modifiant, surtout en leur associant de nouveaux éléments et en interprétant le tout d’une autre manière. Ce qui semble le point faible des théories sur la responsabilité, c’est le postulat du libre arbitre. J’ai dit tout à l’heure que la responsabilité était affaire de finalité, non de liberté, mais si le déterminisme ne suppose pas la responsabilité, il paraît bien que la responsabilité suppose le déterminisme, car elle implique la solidarité, la coordination, toutes choses auxquelles échappe l’acte libre, non pas complètement sans doute, mais précisément en tant qu’il est libre, puisque en tant qu’il est libre, indéterminé, imprévisible, il est, par définition, sans rapport nécessaire avec un autre phénomène, et reste, par là même, en dehors de toute recherche scientifique sur la responsabilité.

I. — La responsabilité du moi.

D’une manière générale, nous sommes responsables d’un acte, d’un fait, d’un sentiment même lorsque nous devons supporter certaines conséquences entraînées par cet acte. La responsabilité civile, par exemple, consistera en ce que la personne civilement responsable pourra être condamnée à payer des frais à l’occasion d’une contravention commise non par elle, mais par un homme à son service, à réparer des dégâts dont elle ne sera point la cause directe. La responsabilité morale est autre, mais elle se ramène à la même formule. Il n’est pas besoin d’insister pour trouver qu’elle est différente. Le maître peut être civilement responsable de certains actes de son serviteur, personne ne pourrait affirmer qu’il en soit — d’une manière générale — responsable au point de vue moral. La responsabilité au point de vue moral est caractérisée par le fait du jugement porté sur le caractère de quelqu’un à propos d’un de ses actes, d’un de ses sentiments.

La première condition, évidemment, pour que quelqu’un soit responsable d’un de ses actes, c’est qu’il en soit à quelque degré l’auteur, et il en est responsable en tant qu’il en est l’auteur et au même degré. Nous sommes responsables de nos actes en tant que c’est