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LA RESPONSABILITÉ


Dans un tout organisé, un élément doit forcément ou s’associer à la vie de l’ensemble et contribuer pour sa part à la finalité générale, ou tendre à l’arrêter, à la détruire dans le second cas l’hostilité est réciproque, et si l’organisation est bonne, l’élément est expulsé, détruit ou dissous, mis tout au moins dans l’impossibilité de nuire. La responsabilité et la sanction, telles qu’elles se présentent à nous dans les problèmes de la morale, ne sont que des cas particuliers de ces deux grandes lois d’association et d’inhibition systématiques dont nous avons ailleurs étudié l’importance dans le fonctionnement de l’esprit. Ici, il ne s’agit plus seulement de vie psychique, mais de vie sociale et le problème se complique, les faits de la responsabilité morale et de la sanction étant parmi les plus complexes.

Si la question est difficile, elle est intéressante et son importance est grande. Visiblement le manque d’une morale solidement établie est une des grandes préoccupations de la fin de ce siècle. Si des aspirations nous descendons aux faits, il est impossible de ne pas voir que les opinions sur la responsabilité et sur la sanction qui s’ensuit sont complètement insuffisantes et incohérentes à un point fâcheux. Quiconque a lu un certain nombre d’analyses faites par des médecins très compétents d’ailleurs en tout ce qui concerne leur profession, et concluant à la responsabilité entière, mitigée ou nulle de criminels, s’est facilement aperçu que ni les conditions de la responsabilité, ni le sens même du mot ne sont fixés. On en reste encore généralement à la théorie qui fait dépendre la responsabilité du libre arbitre, de l’indéterminisme qui se produirait dans la suite des phénomènes ou tout au moins à certains points de cette suite. Il n’est pas malaisé de voir que la recherche du degré de libre arbitre chez un criminel ou un fou doit être d’une difficulté extrême, puisque rien ne peut démontrer l’existence même du libre arbitre chez les plus sains d’esprit et les meilleurs. Les partisans du libre arbitre, un nombre considérable d’entre eux au moins, reconnais-