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les mouvements moléculaires qui se passent dans les centres moteurs « paraissent demeurer hors de la sphère de l’esprit plus véritablement même que les processus moléculaires compris dans la contraction actuelle d’un muscle ; ces derniers, au moins, sont suivis immédiatement d’impressions « centripètes », au lieu que, autant que nous en pouvons juger — c’est-à-dire aussi loin que la preuve peut être fournie — les premiers ne le sont pas. »

D’un autre côté, avec James et, en partie, avec Münsterberg et autres, je soutiens que toutes les sensations résultant d’un mouvement, proviennent d’impressions centripètes ; que ces sensations ont leur siège, et que leur image renaît dans des centres sensoriels spéciaux de la zone rolandique corticale, lesquels sont en intime rapport d’association avec les centres visuels, auditifs, et avec les autres centres sensoriels ; que l’activité fonctionnelle que l’on suppose exercée par les centres moteurs volontaires dans la zone rolandique est, en réalité, exercée par des centres sensoriels de nature kinesthétique, semblablement situés, de sorte que, dans « l’association des idées » en général, aussi bien que dans les processus d’attention et de volition, nous n’avons affaire, simplement, qu’à l’activité psychique de centres sensoriels et de leurs annexes — et non pas de centres moteurs et sensoriels avec prédominance fréquente des premiers. Ainsi je soutiens que le processus de l’attention est essentiellement sensoriel, bien qu’inséparable de concomitants moteurs ; au lieu que la volition, bien loin d’exister « seulement en connexion avec les organes actifs, c’est-à-dire avec le système musculaire[1] », semble représenter simplement quelques phases de « l’association des idées », et plutôt, comme le pense William James, est « un fait psychique ou moral pur et simple, et est absolument complète lorsqu’est présente l’intention ou consentement ». — Car il soutient, lui aussi, que la survenue d’un mouvement, la volition une fois complète, n’est qu’un phénomène surnuméraire, appartenant au domaine de la physiologie. Les phénomènes de volition ne sont donc pas l’œuvre d’une faculté spéciale, d’une mystérieuse entité ; ils ne sont pas accomplis dans des centres moteurs ; ils sont une simple transcription en action de l’intellect ; de la sorte se trouve amplement justifié le mot de Spinoza : Voluntas et intellectus unum et idem sunt. Toute conception de la volonté comme être séparé est, en fait, une illusion, une espèce de fantôme psychologique.

Charlton Bastian.
(Traduit par L. Bélugou.)

  1. Bain, Les sens et l’intelligence, p. 559 (3e éd.).