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charlton bastian. — attention et volition

confusion de ce genre, lorsqu’il écrivait les phrases suivantes : « Si nous bornons la conscience aux processus sensoriels, puisqu’une sensation peut exciter des processus moteurs, nous devons supposer que la conscience cesse brusquement sur la communication nerveuse (les fibres internonciales) qui joint un centre sensoriel à un centre moteur. S’il en était ainsi, le temps est venu d’abolir tout à fait la distinction de centres sensoriels et moteurs dans la couche corticale ; ils sont tous sensori-moteurs. » Cette conclusion me semble illégitime, basée sur une inexacte conception du mode selon lequel les centres moteurs sont généralement excités. Assurément il n’y a pas plus de raison d’appeler « sensori-moteurs » les centres du côté afférent du système nerveux qui se trouvent situés dans la couche corticale, que d’appliquer un pareil terme aux centres afférents similaires situés dans la moelle. Voilà pourtant l’unique fondement sur lequel on pourrait s’appuyer pour essayer de justifier l’opinion de Hughlings Jackson, si souvent citée, et rapportée par notre auteur. (loc. cit., p. 432), que « le substratum physiologique de tout processus. mental est un processus sensori-moteur ».

De tout ce que nous venons de dire, comme aussi des faits et des arguments présentés en détail à cette Société dans une communication antérieure[1], il me semble ressortir avec la dernière évidence qu’il n’y a aucune raison de supposer l’existence de centres moteurs corticaux pour la production des mouvements volontaires ; que, quel que soit le mode selon lequel sont produits les mouvements simples, c’est-à-dire qu’ils soient volontaires ou réflexes, il n’y a qu’une classe de centres moteurs mis en jeu, et ces centres moteurs sont situés dans le bulbe et dans la moelle épinière ; que, de plus, le fonctionnement de centres moteurs n’est, en général, accompagné d’aucune manifestation psychique. À l’égard de ce dernier point, j’ai dit ailleurs[2] : « Ces centres semblent bien n’être jamais le siège d’aucune image (ideal reproduction) ; ils sont mis en activité par des courants centrifuges, et, autant que nous en pouvons juger avec certitude, la propagation, dans ces centres, de mouvements moléculaires qui, immédiatement après, à travers les nerfs moteurs crâniens et spinaux, parviennent jusqu’aux muscles, n’est qu’un simple phénomène physique. Selon toute apparence, ces processus sont aussi dénués de concomitants subjectifs que le sont les processus moléculaires actuels qu’ils provoquent dans le muscle lui-même. » En fait,

  1. Sur la localisation du prétendu sens musculaire (Brain, avril 1887).
  2. The Brain, as an Organ of Mind, p. 559. Gotch et Morsley (loc. cit., p. 510) ont maintenant donné la preuve expérimentale que l’action des centres moteurs n’est accompagnée d’aucun fait de sensibilité.