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charlton bastian. — attention et volition

ments différenciés quant à la nature, à l’étendue et à la force, par la nature précise des excitants qu’ils reçoivent des centres sensoriels[1].

L’importance capitale de ces activités sensorielles au point de vue de la production des mouvements volontaires est mise en relief dans beaucoup de cas de maladies du cerveau, amenant des perturbations du langage.

Ainsi j’ai pu observer de temps à autre depuis 1878 un homme qui fut à cette époque atteint de paralysie du côté droit, et dont la faculté d’expression au moyen de la parole et de l’écriture présenta dans le même temps des désordres bien dignes de remarque[2]. La principale tare persistante chez cet homme était une lésion à la commissure des fibres d’association reliant les centres visuels et les centres auditifs de la parole ; il est par suite incapable d’exécuter aucun des mouvements qui requièrent pour leur production et leur direction la mise en jeu, l’un après l’autre et l’un par l’autre, de ces centres cela prouve combien étroitement l’enchaînement de nos idées est subordonné au bon état des voies d’association. Ainsi, voilà douze ans que s’est produite une interruption sur les lignes qui mettent en communication les centres auditifs et les centres visuels ; comme conséquence, cet homme est impuissant à nommer les objets qui frappent sa vue, à lire à haute voix les mots, les lettres mêmes ; pourtant, il les reconnaît parfaitement ; il peut se les lire à lui-même en les comprenant ; il peut répéter le nom des objets, et les mots quels qu’ils soient, sitôt qu’il les entend.

De plus, malgré qu’il ait maintenant appris à écrire de la main

  1. Je vois avec regret que le Dr Ferrier n’a pas encore pris la peine d’exposer ma doctrine correctement. Dans son ouvrage le plus récemment publié, il s’en fait une idée tout à fait inexacte en me faisant dire que les centres kinesthétiques sont mis en jeu comme « des centres indépendants d’activité, qui n’ont rien à voir avec les excitations provenant des centres sensoriels de l’écorce » (Localisations cérébrales, 1890, p. 147). Après m’avoir attribué cette théorie, il se met à la réfuter en citant les expériences de Marique, corroborées par Exner et Paneth, montrant que « si les centres moteurs (kinesthétiques) sont complètement isolés, par la section des fibres qui les relient aux centres sensoriels de la couche corticale, paralysie qui s’ensuit offre précisément les mêmes caractères que celle qui résulte de leur ablation totale. Marique a montré que les mêmes contractions s’obtenaient par l’irritation électrique des centres respectifs, après comme avant l’isolement ; c’est une preuve qu’ils conservaient encore leur excitabilité et leurs connexions avec le faisceau pyramidal. » Loin que ces résultats expérimentaux soient en opposition avec mes doctrines, on pourra voir qu’ils sont au contraire de tous points conformes à ce que j’ai toujours dit sur la manière dont est mise en jeu l’activité des centres kinesthétiques. Voir, par exemple, The Brain as an Organ of Mind, 1880, p. 593, et passim ; cf. aussi Brain, avril 1887, p. 7, 57, etc.
  2. Son cas est exposé en détail dans The Brain as an Organ of Mind, p. 642.