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J’ai toujours pensé que dans les renaissances de sensations conjointes, ou « idées de mouvements », l’impression visuelle ou auditive, selon le cas, est la première à renaître, et que l’activité renouvelée dans l’un ou l’autre de ces centres se rend, à travers des fibres associatives, aux parties des centres kinesthétiques avec qui ils ont des rapports fonctionnels. L’activité de ces derniers centres, il me semble, est presque toujours, sinon toujours, amenée ainsi d’une façon secondaire, quoique, pour la production actuelle des mouvements appropriés, le jeu des centres kinesthétiques soit d’une importance capitale. Ils sont situés dans l’écorce à l’endroit appelé le coude du courant — ils sont vraiment les dernières parties de l’écorce qui soient excitées dans la production des mouvements volontaires ; et c’est d’eux que sortent actuellement les fibres (savoir les fibres du faisceau pyramidal) qui transmettent les excitations appropriées aux véritables centres moteurs situés dans le bulbe et dans la moelle[1]. Ici, alors, comme ailleurs, les centres moteurs produisent par l’intermédiaire des nerfs et des muscles) des mouve-

    laire réelle ? » Ma réponse à cela est double. En premier lieu, je soutiens que les centres auxquels il fait allusion ne se trouvent pas du côté efférent du système nerveux : ils (c’est-à-dire les centres kinesthétiques) sont la terminaison corticale d’une classe définie d’impressions, et, comme les centres de l’ouïe et de la vision, ils sont, en réalité des centres afférents (voir p. 371). En second lieu, je dirai que son argumentation, par analogie, tend à établir l’existence de processus subjectifs associés à la mise en jeu des centres efférents, au lieu que moi, je maintiens, avee James, Münsterberg et autres, qu’aucune preuve indépendante n’assure que ce fonctionnement soit toujours par lui-même associé à des événe-ments subjectifs. La possibilité de cette dernière réplique ne lui a pas échappé. Il s’aperçoit, en fait, que son analogie deviendrait vaine si l’on refuse d’admettre que les phénomènes subjectifs soient associés au fonctionnement des centres nerveux ; mais il néglige d’avertir que cette hérésie est professée par James, par Münsterberg et par moi. Bien plus, je ne saisis pas très bien la portée de ses objections contre l’emploi du mot kinesthésie et de ses dérivés. Je lui rappellerai que le terme « sensation des muscles », qu’il a l’air de poser comme synonyme, ne se rapporte qu’à l’un des éléments qui entrent dans le complexus des sensations produites en nous chaque fois que nous effectuons un mouvement ; et que les divers éléments de ce complexus sont toujours et simultanément susceptibles de revivre comme initiateurs de mouvements futurs. Assurément, si des groupes d’impressions comme celui-ci se présentent toujours ensemble et sont toujours réveillés ensemble pour l’exercice de processus physiologiques importants, c’est là une raison suffisante de se servir pour les désigner, d’une seule appellation commune. Et si nous admettons le fait que de telles impressions sont, comme toutes les autres, quand elles se produisent (et Groom Robertson lui-même l’indique), toujours « recouvertes par une représentation », on peut voir que nous sommes amenés par suite presque intuitivement à interpréter ces impressions comme symbolisant des mouvements de telle ou telle partie de notre corps. Et alors, comment pourrions-nous mieux exprimer ce symbolisme qu’en donnant le nom de « kinesthétique à ces impressions ?

  1. The Nineteenth Century, juin 1894, p. 857. Pour simplifier le problème en discussion, j’omets à dessein tout ce qui a trait à l’action coopérative du cervelet dans la production actuelle des mouvements.