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charlton bastian. — attention et volition

D’autres fois nos actes volontaires n’interviennent qu’à la suite d’un processus de délibération plus ou moins compliqué, d’un examen de motifs, et s’accompagnent d’un sentiment fort ou faible d’effort. Comme dit M. William James[1] : « Dans le cabinet du dentiste, nous avons deux idées : celle de la crânerie qu’il y a à supporter la douleur, et celle du caractère intolérable de cette douleur. »

Nous donnons notre consentement à la crânerie ; nous disons : « qu’elle soit réelle ! » et nous voyons qu’elle le devient en effet, bien qu’avec un effort mental exactement proportionné à la sensibilité de nos nerfs. Le naufragé sur son épave a d’abord l’idée de ses mains endolories, et de l’épuisement de tout le corps qu’amène le maniement de la pompe. L’autre idée est celle de la mer avide qui l’engloutit. Il dit : « Plutôt la première alternative », et elle devient une réalité, en dépit de l’influence inhibitoire des sensations comparativement riches que lui fournit l’endroit où il se trouve pour l’instant… Mais en d’autres cas les deux alternatives sont des images où le bien et le mal sont mélangés. L’action quelle qu’elle soit doit, pour s’effectuer, surmonter un matériel inhibitoire, soit qu’elle entraîne dans son accomplissement quelque désagrément intrinsèque, soit qu’elle offre une perspective de conséquences fâcheuses ; le fiat éprouve de la résistance à être prononcé. Dans ce cas, la volition va de pair avec le sentiment de l’effort… Cet effort que semble-t-il qu’il fasse ? Il amène la volition définitive. Qu’est cette volition ? La victoire stable d’une idée, quelque désagréable qu’elle puisse être, la suppression à demeure d’une idée quelque agréable qu’elle puisse être d’une façon immédiate et pressante.

En même temps que ces idées et ces motifs entrent de la sorte en conflit, des images à demi réveillées ou naissantes sont restaurées dans les autres centres sensoriels représentant les actions alternatives ou les mouvements qui s’associeraient naturellement à tel ou tel motif s’il lui était donné de devenir efficace. Mais c’est seulement lorsque l’un de ces motifs a la victoire — c’est-à-dire devient prépondérant à l’exclusion de ses rivaux — que toute résistance est écartée ; nous consentons qu’il soit prépondérant, et le résultat est que l’image restaurée de l’action qui lui est accouplée devient l’initiateur immédiat de l’action réelle que d’avance elle figurait[2].

Ainsi il arrive que, dans le but de nous procurer un plaisir pré-

    ment, indépendamment de la volonté. » Parfois nous pouvons voir des actes, généralement regardés comme volontaires, prendre place parmi les simples réflexes, et s’effectuer à l’aide des mêmes mécanismes nerveux.

  1. W. James, The feeling of Effort, 1880, p. 23 et 22.
  2. Voir Herbert Spencer, Principes de psychologie, 1860, t.  I, p. 496.