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paraissent ne pas s’accomplir comme Bain voudrait nous le faire croire, ou tout au moins ne s’effectuent pas selon un mode qui puisse justifier les termes dont il se sert.

On doit se persuader, en fait, que cette activité volontaire des muscles elle-même se présente comme une suite de l’un des anneaux de nos associations d’idées ; et que le contrôle ou le changement dans la direction de nos pensées qui en résultent sont amenés par les conséquences sensorielles des mouvements ainsi provoqués, c’est-à-dire par des impressions visuelles ou auditives de concert avec les impressions kinesthétiques qui parviennent au cerveau, et qui, à leur tour, selon leur nature, et conformément aux lois de l’association, contribuent à modifier ou à maintenir notre précédente ligne de pensées[1].

II. Nature du pouvoir volontaire. — Étendue de ce pouvoir sur nos mouvements corporels. — Les occasions d’exercer des mouvements volontaires de toutes sortes naissent, ainsi que je l’ai indiqué, comme de simples anneaux dans la chaîne d’association de nos idées.

Parfois les simples mouvements volontaires s’accomplissent avec toute la rapidité, l’aisance, l’absence d’effort qui caractérisent un acte appelé idéo-moteur : par exemple lorsque je me décide en certains cas à m’asseoir ou à rester debout ; porter à ses lèvres un verre d’eau quand on a soif, ou manger quand on a faim. Les causes initiatrices de tels actes ne dépassent que de très peu la complication des réflexes simples de la moelle ; la principale différence, comme Hartley l’a montré il y a longtemps, consiste dans le fait que, au lieu d’avoir leur point de départ dans des impressions externes, leur. point de départ est dans des idées, bien qu’ils puissent être préparés de loin par des impressions internes ou externes[2].

  1. La théorie du prof. Bain sur l’intervention directe des muscles dans le contrôle de nos pensées a naturellement un rapport très intime avec sa théorie particulière de la sensation de mouvement qui ne serait en grande partie que « l’accompagnement du courant efférent », et aurait son siège dans des centres moteurs. Ce qui implique, cela va de soi, que le rappel idéal se produirait dans les mêmes centres. Ferrier, chose bizarre, bien que repoussant la théorie de Bain à ce point de vue, adopte toutefois sa doctrine dérivée du pouvoir de la volonté et du mode suivant lequel elle opère un contrôle sur nos idées (Fonctions du cerveau, 2e éd. angl., p. 461). Ribot semble montrer une pareille inconséquence. Il rejette l’opinion de Bain sur le mode d’enregistrement des impressions du sens musculaire (p. 66 et 71), et ne laisse pas d’adopter ses vues dérivées sur la manière dont nos pensées sont dirigées (Psych. de l’attention, p. 64).
  2. L’on ne peut, en fait, trouver aucune ligne de démarcation entre les réflexes cérébraux appelés « actes idéo-moteurs », et les actes volontaires simples ou très familiers. Il est souvent impossible de décider quelle appellation est la plus propre pour de tels actes. À l’égard de l’activité « idéo-motrice », Muller écrivait, il y a longtemps : « L’idée d’un mouvement particulier détermine un courant d’action nerveuse vers les muscles involontaires et donne naissance au mouve-