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celle que Wundt voudrait établir par sa théorie de l’aperception (ou par toute autre de ce genre). »

(b) Il reste donc à examiner comment cette substitution d’une série à une autre, ou cette persistance d’une série ancienne malgré une tendance à se perdre, est ou peut être produite. Et cela, afin d’indiquer l’espèce des moyens par lesquels agit ce que l’on appelle « volonté » pour diriger ou contrôler le cours de nos pensées. Sur ce sujet on ne peut que donner quelques suggestions touchant les différentes méthodes reconnues propres à atteindre ce but.

1o En premier lieu, il y aurait à établir qu’il existe une sorte d’antagonisme entre l’activité mentale de pure réminiscence, et celle qui est sur pied, — ou qui est maintenue par des impressions externes, — pour cette raison que les mêmes éléments centraux, dans les deux cas, sont appelés à l’activité. Conséquemment, quand une suite quelconque de pensées très intéressantes se déroule, nous devenons pour un temps « absorbés en nous-mêmes », et pendant cette période, beaucoup moins aptes à recevoir les impressions externes, aussi longtemps qu’elles ne sont pas très intenses. Bien plus, lorsque nous sommes ainsi retenus, nous nous efforçons toujours de nous préserver nous-mêmes du trouble possible que nous apporterait l’influence des impressions externes de toute espèce.

2o De deux processus opposés, celui qui vient de l’extérieur (activité sensorielle) est décidément plus vive et plus efficace que celle qui a sa source en nous-mêmes (activité réfléchie) ; et c’est ce fait qui nous rend capable, à un moment donné,

(a) D’interrompre une suite de pensées se déroulant conformément aux lois de l’association, et de la remplacer par une autre ;

(b) De la maintenir lorsque nous le désirons.

(a) Dans le premier cas, pour interrompre une suite d’idées associées, nous pouvons faire agir une forte impression sensorielle, et renouveler cette opération jusqu’à ce qu’enfin nous ayons déplacé la série de nos pensées ; souvent nous appelons à notre aide des mouvements corporels d’une espèce ou d’une autre qui ont une grande efficacité en raison des impressions kinesthétiques qui s’ensuivent, et par là la nouvelle trame d’associations peut être commencée.

(b) Dans l’autre cas, cependant, où nous cherchons à maintenir une suite de pensées malgré la tendance à glisser à d’autres objets, nous appelons à notre aide le langage. En d’autres termes, nous nous répétons à nous-mêmes quelques mots qui ont un rapport essentiel avec l’objet de nos méditations, ou encore nous résumons par des mots le point où nous sommes parvenus, renforçant par ce moyen l’activité associationnelle à laquelle s’adonne notre attention