Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/375

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
371
charlton bastian. — attention et volition

riablement selon les lois d’habitude ou d’association (celles-ci étant, comme je l’ai dit, un réflexe de coexistences et de séquences externes), la sensation ou l’idée qui se trouve momentanément la plus vive remplissant toujours notre conscience, et éveillant, à travers les voies tracées par l’association, les idées et les concepts de même famille.

Si donc nos pensées se succèdent dans cet ordre selon des lois définies, on peut se demander

(a.) À quelle province de la volonté ou de la volition appartient leur direction

(b) Par quels moyens une telle influence peut s’exercer.

(a) Sur la première question, rien, je crois, ne peut être dit avec plus de précision que ce qu’exprime Barret dans les lignes suivantes[1] : « Nous pouvons à la vérité, si cela nous plaît, donner à ces séquences, dans lesquelles une série de pensées se substitue à une autre, le nom de « volonté » pour les différencier des autres séquences qui sont les membres réguliers d’une trame durable ; mais leur nature et leur principe sont les mêmes dans un cas que dans l’autre ; car la seconde série doit avoir la même origine que la première, et ne réussit à s’imposer que par sa force supérieure. » Cela revient à dire, en fait, que nos pensées sont soumises aux « lois de l’association » ; mais que, dans certains cas, les modifications survenues dans leur ordre ou la persistance dans le même ordre sont données comme un résultat de la « volonté ». Wundt et d’autres, la chose est notoire, affirment la nécessité de quelque chose dépassant la simple association des idées pour comprendre scientifiquement la puissance « active » de l’esprit ; et c’est avec cette arrière-pensée qu’ils admettent l’existence de cette soi-disant faculté d’aperception qui entraînerait les activités par la seule vertu, en dehors des lois ordinaires de « l’association des idées ». Münsterberg s’est récemment livré à deux séries de recherches expérimentales très importantes, très habilement conduites, pour savoir si la nécessité invoquée par Wundt existe ou non réellement. Après une minutieuse analyse de ces recherches, Croom Robertson résume les impressions qu’elles lui ont produites de la manière suivante[2] : « Prises dans leur ensemble, ces deux séries de recherches poursuivies avec des procédés différents, conduisent à une conclusion, savoir qu’il n’y a entre l’intellection dite volontaire et l’involontaire aucune différence de la nature de

  1. Barret, loc. cit., p. 142.
  2. Mind, 1890, p. 242. — F.-H. Bradley s’élève aussi avec force contre la théorie de l’aperception de Wundt (voir Mind, 1887, p. 366).