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charlton bastian. — attention et volition

volonté de se mouvoir existe et se produit, lors même qu’il ne se produit aucun mouvement consécutif[1].

I. Nature du pouvoir volontaire. — Étendue du pouvoir sur le contrôle à la direction de nos pensées. — Nous avons un certain pouvoir de contrôle ou de direction sur la succession de nos pensées : tout le monde le reconnaît, il est attesté par la conscience de chacun de nous. II semble évident, de plus, que cette aptitude non seulement peut être développée par l’exercice, mais encore existe naturellement plus développée chez certaines personnes que chez d’autres, notamment chez ceux dont le pouvoir d’attention est considérable.

Cette faculté de diriger ou de contrôler nos pensées nous fournit la manifestation du degré le plus élevé de l’attention — celle qui est appelée « attention volontaire », et dont nous avons plus haut renvoyé l’examen à la partie de notre étude que nous abordons en ce moment ; ainsi tout ce qui va maintenant être dit portera autant sur l’attention volontaire que sur la volition proprement dite[2].

Je dois poser comme accepté par tout le monde que la succession de nos pensées est soumise a la loi connue de « l’association des idées » ; et que ces associations ne sont pas autre chose que des réflexes de séquences et de coexistences établies parmi la variété d’impressions sensorielles auxquelles nous sommes et avons été exposés à tous les instants pendant tout le cours de notre vie.

  1. Au sujet des caractères psychologiques des deux modes interne et externe d’activité volitionnelle, Wundt (loc. cit., t.  II, p. 444 de la trad. franc.) prétend qu’il y a un sentiment d’activité interne ou d’effort associé à chacun d’eux ; mais, dit-il, dans le cas d’activité externe (avec mouvement consécutif), « ce sentiment reçoit ici une coloration caractéristique, parce qu’il se fusionne avec les sensations du mouvement lui-même, pour constituer un complexus inséparable ». L’apparition de cette fusion devient donc, pour Wundt, le caractère psychologique fondamental par lequel l’ « activité volontaire externe doit être distinguée de l’ « activité volontaire interne ».
  2. Ce qui va maintenant être dit peut, en fait, servir de réponse à ceux qui admettent encore la spiritualité de la volonté. Ainsi dernièrement dans The Spectator (6 juin 1891, p. 789) un écrivain disait : « Volontaire ou scientifique, l’attention est un acte de volonté pure ; et par volonté nous n’entendons pas, naturellement, ce qui résulte d’impulsions et de désirs préexistants, mais cet effort sui generis (self-caused), par quoi l’attention scientifique se différencie de tous les autres actes analogues d’attention involontaire… S’il est une chose que nous sachions de façon certaine, c’est que nous produisons, nous-mêmes et par nous-mêmes, tous ces actes d’attention, et que toute science est le résultat organisé de pareils actes… Comme nous l’avons dit la semaine dernière, « volonté est un mot surérogatoire, une sorte de feu follet sans aucune raison d’être, s’il ne représente qu’une résultante de désirs. » Cette dernière façon de concevoir la volonté est néanmoins la bonne ; c’est à le montrer que nous allons maintenant nous appliquer.