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charlton bastian. — attention et volition

lorsque l’attention est éveillée par quelque objet extérieur ? Selon Wundt, le voici[1] : En premier lieu, il se produit une image d’ordre intuitif ou représentatif, sans netteté, comme celles qui se rencontrent à l’extrême limite latérale du champ visuel. Cette image, Wundt la regarde comme le résultat de l’irritation des centres corticaux de la vision, mais il ajoute : « De là ce stimulus suit une double voie et peut se diriger : 1o en arrière vers les domaines sensoriels, ce qui renforce la représentation ; et 2o vers les centres moteurs qui innervent les muscles volontaires ; dans ce cas apparaissent nécessairement ces tensions musculaires qui aident à constituer le sentiment de l’effort accompagnant l’attention, et qui réagissent de leur côté sur l’attention qu’elles renforcent — conformément à la loi que les sentiments associés se prêtent un mutuel appui. »

La plupart de ces opinions et de ces théories ne m’inspirent aucune sympathie. Comme vous l’avez pu voir, en ce qui regarde les rapports des centres intéressés dans le fait de tourner la tête et les yeux, avec processus de l’attention, ma position est absolument différente de celle adoptée par Ferrier ; car il m’est impossible de considérer l’attention, qu’on l’appelle « attention » ou « aperception », comme une « faculté » qui devrait être localisée avec précision dans telle ou telle portion de la couche corticale, comme le voulait l’ancienne phrénologie. Par-dessus tout il me serait impossible, s’il faut absolument assigner un lieu déterminé à l’attention, d’admettre que nous devions localiser cette faculté, essentiellement sensorielle, dans cette région du cerveau qui vraisemblablement régit la production de phénomènes moteurs lesquels n’en sont que l’accompagnement ou la suite la plus habituelle. Quelle nécessité que de tels phénomènes moteurs concomitants ou consécutifs soient produits ? La raison, je l’ai dit, est en partie dans la constitution de notre système nerveux, en partie dans ce fait que nous sommes dans l’obligation de réagir en tournant la tête et les yeux dans telle ou telle direction, les excitants visuels ou auditifs pouvant nous arriver de tous côtés. Le rapport entre ces mouvements particuliers de la tête et des yeux et l’attention ne m’assurent donc pas qu’ils soient autre chose qu’une conséquence presque nécessaire de l’activité sensorielle. D’autre part, je ne serais nullement d’avis de localiser le processus appelé attention dans une région définie du cerveau ; je serais plutôt porté à le regarder comme ayant ses appareils de cellules et de fibres dans chacun des centres sensoriels de la couche corticale ; en d’autres termes, les appareils la concernant seraient, d’après moi, disséminés

  1. Wundt, loc. cit., t.  II, p. 236 de la trad. franç.