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ou des mains, à l’effet d’accroître considérablement la portée ou la force des impressions visuelles auditives ou tactiles[1].

Quoi d’étonnant alors qu’aux impressions visuelles et auditives, par exemple, s’associe dans l’esprit inséparablement une réponse motrice d’une espèce plus particulière, un mouvement de la tête et des yeux détournés dans la direction de l’objet sonore ou lumineux, et en même temps une attitude fixe de tout le corps ?

Qu’il doive exister une « attitude attentives », c’est, nous le voyons, parfaitement naturel ; tout de même qu’il est parfaitement naturel que, selon les différentes émotions, il doive y avoir des concomitants moteurs d’une espèce particulière. Mais, en raison de l’inséparabilité de ces concomitants moteurs, il me semble que nous pourrions dire de l’émotion qu’elle est un processus essentiellement moteur, avec à peu près autant de vraisemblance que nous l’affirmons de l’attention.

Chacune de ces démarches de l’esprit est, je crois, spécialement en relation — selon des modes différents avec l’activité des éléments sensoriels, quoiqu’un écoulement spécial d’activité moléculaire dans les mécanismes moteurs en question soit aussi presque inséparable de l’activité de chacune d’elles. En d’autres termes, nous avons affaire, aussi bien dans l’émotion que dans l’attention, a des processus sensori-moteurs, bien que, dans mon opinion, les éléments ganglionnaires intéressés par le côté moteur de cette activité soient entièrement en dehors des hémisphères cérébraux, tout de même que l’activité de ces mécanismes moteurs se passe complètement en dehors de la sphère de la conscience[2].

  1. On parle communément de « l’adaptation de t’attentions » à son objet comme si elle était un processus moteur. Ainsi fait Wundt, par exemple, à cause de l’existence des sensations de tension rapportées aux organes sensoriels correspondants. Dans la « pré-attention » ou « attention expectante » de telles sensations peuvent, à la vérité, provenir simplement des actions musculaires permissives sur les organes des sens. Mais si le temps de réaction est diminué quand la nature de l’impression est connue d’avance, et s’il l’est encore davantage lorsque le moment de son apparition est aussi connu, une telle adaptation est à coup sur en grande partie sensorielle, et dépend de ce fait que l’image ou l’idée de l’événement prévu est évoquée, et évoquée juste au bon moment, de sorte, comme dit Ribot (loc. cit., p. 74), que « l’événement réel n’est que le renforcement de l’image déjà existante ». L’hypothèse de Bain et de quelques autres, que le simple rappel idéal d’une perception implique un sentiment de tension dans les organes des sens correspondants est très problématique. De tels sentiments de tension ou d’effort (dans l’hypothèse qu’il sont d’origine afférente) réclameraient pour se produire des contractions distinctes des muscles. Mais en pareil cas les contractions manifestes des muscles manquent le plus souvent. Et personne n’éprouve de sentiment d’effort d’origine périphérique dû à de simples excitations « à t’état naissant » des muscles (excitations arrêtant une contraction courte ou produisant une contraction actuelle).
  2. Ainsi, parler comme fait le professeur James (Principes de Psychologie, 1890, t.  Ier, p. 30) : « Des idées de sensation, des idées de mouvement, voilà, d’autre