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a. binet. — mouvement de manège chez les insectes

si on l’enlève entièrement, la rotation continue, seulement elle change de sens. Tout ceci montre que les lésions nerveuses, souvent très grossières, qui produisent le mouvement de manège, le produisent par un phénomène d’irritation, qui se propage des cérébroïdes excités aux autres ganglions de la chaîne.

Disons-le tout de suite, une lésion particulière du sous-œsophagien, ou des premiers ganglions thoraciques, ou la section d’un des deux connectifs réunissant ces divers ganglions, peut provoquer le mouvement de rotation.

L’étude des faits précédents nous amène à accepter provisoirement les hypothèses suivantes.

Quand un Insecte intact s’avance en ligne droite, par l’action combinée de ses six pattes, il existe une harmonie parfaite entre la force des pattes des deux côtés du corps. Si l’on admet que la coordination de la marche est sous la dépendance du ganglion sous-œsophagien (Faivre), on peut dire que dans la marche rectiligne ce ganglion envoie des excitations égales dans les deux côtés du corps. Il n’en est plus de même quand l’Insecte marche en manège ; les pattes du côté externe au cercle décrit font nécessairement un pas plus allongé que les pattes de l’autre côté. Ceci est un fait d’observation indéniable. On pourrait l’expliquer de différentes façons, y voir par exemple un effet du mouvement de manège et admettre que c’est précisément parce que l’Insecte marche en manège, qu’il allonge le pas avec les pattes situées d’un même côté de son corps. Ce n’est pas cette hypothèse que nous accepterons. Nous supposerons au contraire que le mouvement de manège est un résultat de l’amplitude. Si l’Insecte marche en cercle, c’est que les pattes d’un côté, ayant un pas plus allongé que les autres pattes, l’entraînent à tourner.

La cause primitive du mouvement de manège serait donc, à notre avis, dans une inégalité des excitations qui animent les pattes des deux côtés ; le mouvement du manège aurait donc une origine purement motrice.

Suivons l’application de cette hypothèse dans les différents cas créés par l’expérimentation. Lorsqu’on a fait une lésion d’un lobe cérébroïde, il se produit un phénomène d’irritation qui retentit sur les pattes du côté opéré ; et ces pattes exécutent alors des mouvements plus grands que celles du côté sain, de sorte que l’animal est entraîné à tourner du côté opéré au côté sain ; c’est du moins ce qui se passe habituellement. On comprend en outre qu’avec le lobe cérébroïde qui lui reste, l’animal puisse résister au mouvement de manège, en augmentant l’excitation volontaire qu’il envoie aux pattes du côté sain.