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tion et de la coordination est dans le ganglion sous-œsophagien. Si on enlève le cerveau, l’Insecte cesse de se, diriger à volonté, mais il nage et il marche. »

Nous allons examiner avec soin ces propositions. Avant de chercher, à l’exemple de Faivre, à déterminer la fonction normale des ganglions céphaliques de l’Insecte, nous devons chercher à comprendre ce qui se passe sous nos yeux pendant nos vivisections. Nous avons fait une piqûre à un cérébroïde, au droit par exemple, et l’animal tourne à gauche. Quel est le ganglion qui détermine ce mouvement anormal ?

À première vue, on répondra : c’est le cérébroïde droit. Nous avons lésé cet organe seulement, et par conséquent c’est lui seul qui peut produire le mouvement de tournoiement ; il semble que rien n’est plus simple, et que nous saisissons ici, avec la dernière évidence, la cause et l’effet.

Mais on peut faire, à cette interprétation, une objection péremptoire. Nous avons vu que le tournoiement est un mouvement extrêmement complexe, qui non seulement peut être produit par le concours des six pattes de l’animal, mais encore qui s’exécute selon le même mécanisme qu’un mouvement de rotation volontaire. Or, si c’était réellement le ganglion cérébroïde qui était chargé de produire le mouvement de manège, on ne comprendrait pas la possibilité de provoquer une réaction aussi délicate avec une lésion grossière du ganglion cérébroïde. Ce n’est pas en criblant un organe de coups d’épingle qu’on le sollicite à accomplir sa fonction normale. Du reste, nous avons vu que même lorsqu’on sectionne par le milieu le cérébroïde droit, lorsqu’on l’écrase entre les deux mors d’une pince, lorsqu’on l’enlève complètement, l’insecte continue à tourner à gauche ; si c’était le cérébroïde qui déterminait cette rotation, la suppression de l’organe devrait nécessairement supprimer sa fonction.

Nous sommes donc amenés à rejeter complètement l’explication précédente.

Cette première explication étant rejetée, nous en trouvons une autre. On peut conjecturer que lorsqu’on lèse un cérébroïde, on diminue son activité, on le paralyse, et alors le second cérébroïde, celui qui n’a pas été atteint et qui reste normal, devient prépondérant il exerce seul peut-être une action, qui, dans les conditions normales, est contre-balancée par celle de l’autre cérébroïde ; agissant seul, il est capable de diriger la locomotion de l’animal dans un sens inusité. Cette seconde hypothèse ne nous paraît pas plus exacte que la précédente ; car si on lèse gravement le second cérébroïde,