Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/134

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
130
revue philosophique

tournait un peu la tête de ce côté, agitait ses pièces buccales, puis continuait sa marche en cercle.

Je me suis proposé de chercher comment on pourrait modifier ce mouvement de manège, en excitant légèrement les poils situés sur la région postérieure du corps de la chenille. Sous l’influence de cette excitation, et probablement de la frayeur qu’elle produit, le cercle s’agrandit et se déplace ; la chenille ne fait pas ses cercles au même endroit, elle fuit.

VI

Avant de chercher l’explication des phénomènes de rotation, je crois utile de faire remarquer qu’on peut reproduire ces phénomènes chez un Insecte, sans faire subir de lésions à son système nerveux. On ne peut pas faire l’expérience sur tous les Insectes indistinctement j’ai choisi le Charançon, parce qu’il n’a pas la marche précipitée et turbulente du Carabe et de la Cicindelle, ni la marche capricieuse du Blaps, qui s’arrête, change de sens, recule, avance, fait un tour… etc. Le charançon sur lequel je fais l’expérience pose bien régulièrement ses pattes, ne glisse pas, et s’avance le plus souvent en ligne droite placé sur le papier enfumé, il reste un moment immobile, puis il fait un pas en avant, s’arrête, fait un second pas, s’arrête de nouveau, et peu à peu les poses diminuent de longueur, et la marche devient extrêmement régulière.

On fixe sur le bord d’une élytre un petit fragment de cire rouge, dont le poids, calculé d’après la taille de l’animal, doit ne pas être assez considérable pour renverser l’animal sur le côté ou sur le dos, mais doit être cependant suffisant pour modifier la direction de la mar che il faut aussi avoir la précaution que la cire n’adhère point aux pattes et n’en gêne pas les mouvements. La marche de manège se produit alors, toujours vers le côté où la charge a été placée.

Voici la série d’observations que nous faisons : dans une première expérience, l’animal, sans aucune charge, progresse sensiblement en ligne droite, vers la lumière d’une lampe ; dans une seconde expérience, la charge est placée sur le bord externe de l’élytre gauche, l’animal décrit des cercles vers la gauche ; troisième expérience, la charge est placée sur le côté droit, et l’animal tourne vers la droite.

Le mouvement de manège n’a point la régularité de celui qu’on obtient avec une lésion nerveuse. Parfois, l’Insecte dessine plusieurs cercles assez réguliers ; mais il peut marcher en ligne droite, en se dirigeant vers la lumière, et exceptionnellement il lui arrive de tourner un peu en sens inverse. Ces effets sont dus vraisemblable-