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a. binet. — mouvement de manège chez les insectes

comme Faivre l’a pensé, une marche volontaire. Quelques autres faits pourraient être ajoutés aux précédents pour achever la démonstration. Nous empruntons le suivant à un auteur suisse, Yersin, qui a fait quelques bonnes expériences sur le Grillon champêtre. Il s’agit d’un grillon à qui l’on a fait la section d’un pédoncule cérébral droit et qui a le mouvement de manège à gauche ; « quoique l’animal opéré paraisse manger avec plaisir les aliments qu’on lui présente, il ne demeure pas longtemps auprès d’une brise de pain à laquelle il semble manger avec avidité. Peu à peu il se déplace latéralement à gauche, et l’aliment se trouve hors de sa portée. Si on rapproche le pain de la bouche du grillon, il recommence à manger, puis s’éloigne encore, et de nouveau attaque le pain toutes les fois qu’on le lui présente ; mais il semble être dans l’impossibilité de s’en approcher volontairement[1] » Cette observation, qui paraît avoir été répétée sur six grillons, montre bien que le mouvement de manège est un acte involontaire.

Enfin, il est à noter que lorsqu’on enraye avec le doigt un animal qui marche en manège, il précipite sa course pour fuir le doigt, mais il n’est pas moins obligé de décrire un cercle qui parfois le ramène précisément à son point de départ.

V

Deux mots sur l’influence que des excitations périphériques peuvent exercer dans certains cas sur le tournoiement.

J’ai observé une chenille, d’une espèce indéterminée, qui rampait en cercle ; il est probable qu’elle avait été piquée par un hyménoptère ou qu’elle contenait des parasites. Le mouvement de manège était constant dans le même sens et très rapide ; dans l’espace de vingt-cinq minutes, la chenille décrivit sous mes yeux deux cent cinquante cercles, sur un espace de 4 centimètres carrés. Si on plaçait l’animal sur un plan vertical, il y dessinait son cercle, mais l’action de la pesanteur déplaçait vers le bas le centre du cercle : sur une tige d’arbre, sur une extrémité de crayon, la chenille conservait son mouvement de rotation. Si, pendant qu’elle décrivait son cercle sur la table, on plaçait une feuille de laitue près d’elle, elle s’arrêtait et mangeait le bord de la feuille quand le chemin décrit l’y conduisait directement ; mais si on plaçait la feuille à 1 centimètre en dehors du cercle, l’animal ne changeait pas de direction ; au moment où il passait à proximité de la feuille, il s’arrêtait un moment,

  1. Bulletin de la Soc. vaudoise d’Histoire naturelle, 1856-1857, t.  V, p. 297.