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Prenant un exemple particulier, décrivons la rotation d’un Blaps mortisaga.

Il paraît à peu près certain que le mouvement de translation de ce Blaps est un mouvement volontaire, car il se produit constamment dans le même sens, il paraît avoir pour but de fuir la lumière, et il peut changer de sens si on modifie l’éclairage. Quant au mouvement de rotation, ce n’est point un mouvement de hasard, dû au caprice de l’animal ; car celui-ci a eu un des cérébroïdes piqué deux mois auparavant, et depuis cette époque il ne cesse pas de tourner en cercle. L’animal se trouve donc le siège de deux impulsions : une impulsion volontaire, qui lui fait éviter la lumière crue du jour (les Blaps sont des espèces photophobes), et une impulsion involontaire, pathologique, qui l’oblige à décrire des cercles.

Il arrive à concilier, dans une certaine mesure, ces deux impulsions, en décrivant une ligne spirale, qui lui permet à la fois de s’éloigner de la source lumineuse, et de tourner en cercle.

Suivons-le attentivement pendant qu’il marche. Il ne décrit pas toujours à proprement parler une ligne spirale ; il peut avancer pendant quelques centimètres en ligne droite ; puis, à un certain moment, il subit une déviation à gauche ; dès qu’il a commencé ce mouvement de manège, il est obligé de le continuer. Ainsi l’animal peut lutter contre cette tendance tout le long de la ligne a b ; mais s’il commence à décrire l’arc b c, il ne peut plus s’arrêter, il est obligé de décrire le cercle entier. Son allure subit alors une modification intéressante ; il marchait lentement pendant son trajet en ligne droite au contraire, il décrit le cercle en courant, comme s’il était pressé d’en finir. L’inconvénient de cette course, surtout quand elle est très rapide, c’est que l’animal, en rencontrant la ligne droite a b, la dépasse, et décrit un nouvel arc de cercle qu’il est obligé d’achever avant de reprendre sa marche en ligne droite. Si son allure est moins rapide, il ne dépasse point la ligne a b, et peut ne décrire qu’un seul cercle.

La description précédente, hâtons-nous de le dire, est loin de convenir à tous les Insectes qui combinent un mouvement volontaire avec un mouvement de manège. Sans entrer dans d’inutiles descriptions, nous indiquerons que chez un Dytique opéré et tournant la marche vers la lumière se fait ainsi : l’animal se dirige en décrivant un arc de cercle de grand diamètre, qui l’éloigne peu de la direction qu’il veut suivre, et par conséquent de la lumière ; arrivé au bout de son arc, il décrit un second arc, très petit, qui le fait revenir à sa ligne droite, et il se remet à marcher vers la lumière.

Il résulte de ce qui précède que la marche en manège n’est point,